Le pitch

"Nous sommes tous des vers", avait modestement confié le jeune Winston à une amie, "mais je crois que moi, je suis un ver luisant !"

Le mot n'est pas trop fort : Alexandre Dumas aurait pu inventer un personnage de ce genre, mais dans le cas de Winston Spencer-Churchill, la stricte réalité dépasse de très loin la fiction.

Cette vie a été un roman , elle est racontée comme tel... sans un mot de fiction. Se fondant sur des recherches dans les archives de huit pays, la consultation de quelque quatre cents ouvrages et l'interview de nombreux acteurs et témoins, ce récit épique montre comment un homme solitaire, longuement façonné par d'exceptionnels talents et de singulières faiblesses, a pu infléchir le cours de notre siècle.

Mon avis

Ce très épais volume, avec cette face de bouledogue bien connue en couverture, est-ce bien une biographie historique, celle d'un des personnages les plus connus du siècle dernier ? Certes, mais le livre de François Kersaudy cache bien son jeu, car il s'agit - paradoxalement - d'un véritable roman mais aussi un Tourne Page certifié, en or massif !

Winston Leonard Spencer-Churchill restera comme un des trois ou quatre figures politiques du XX° siècle, un homme bien réel qui a su traverser d'innombrables guerres - dont deux guerres mondiales ! -, une multitude de très hauts mais aussi de très bas.

Le plus étonnant, en tout état de cause, est qu'il ait réussi çà franchir tous ces obstacles en restant indemne !

Winston (vous permettez que je l'appelle Winston ?) aura vécu comme un personnage de roman, too much pour être vrai : 90 ans à se confronter à tous les dangers, à jouer avec la mort  sans jamais succomber.

N'importe quel être humain aurait capitulé sous les balles de l'ennemi, pendant la guerre des Boers, en Afrique du sud, où il entraînait ses troupes, sabre au clair, sans jamais être touché, puis sous celles des allemands sur le front de l'Ouest, durant la première guerre mondiale !

Et, peut-être encore plus dangereux, en travaillant quatorze heures par jour, tout en fumant à la chaîne quantité d'énormes cigares et en ingurgitant des quantités phénoménales d'alcool (l'équivalent de deux ou trois bouteilles de whisky par jour !) qui auraient fait littéralement exploser le foie d'un être normal !

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Churchill jeune, en uniforme de cavalerie

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Un homme d'action, mais aussi un esprit incroyablement brillant - Roosevelt déclarait à son propos : « Winston a cent idées par jour, dont trois ou quatre sont bonnes"- qui a su, à maintes reprises, anticiper, prévoir, forcer le destin.

Winston était également un homme à l'humour britannique détonnant (on a fait des recueils de ses bons mots, comme pour Oscar Wilde) et, sur le tard, il est devenu un excellent peintre dont les toiles s'arrachent aujourd'hui à coup de millions de dollars...

François Kersaudy a su adapter le style de sa magnifique biographie à ce personnage hors du commun : la vie de Churchill (oui, ce bon vieux Winston...) est un roman, mais elle se lit vraiment comment un polar, près de 900 pages bourrées d'informations !

Monsieur Kersaudy, quel talent de vulgarisateur !

Pourtant, l'auteur ne tombe jamais dans la facilité, c'est un véritable historien, un expert de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement de l'Angleterre durant cette période, un spécialiste reconnu par ses pairs.

Franchement, je conseille cet ouvrage à tous ceux qui pensent qu'une biographie historique, c'est lourd, lent et compassé.

Un seul reproche : les développements sur la campagne de Norvège en 1940 sont trop longs (c'est un sujet de prédilection pour l'auteur qui a déjà écrit sur le sujet par ailleurs); n'hésitez pas à vous affranchir de quelques pages si cela bloque votre lecture.

Si vous en avez l'ambition, faite comme moi : j'ai lu dans un intervalle de quelques mois cette biographie puis celle - extraordinaire - d'Hitler par Ian Kershaw, et Les Mémoires de guerre de De Gaulle : vous aurez ainsi une vision parfaite de l'Europe de la première moitié du XX° siècle.

Une fois tous ces pavé refermés, il vous restera à accomplir une dernière formalité : lire les propres mémoires de guerre de Winston : elles sont tout aussi impressionnantes en volume et formidables en qualité, que celle de son alter ego (c'est le cas de le dire !) français.