Les vies multiples d’Amory Clay
Points / Seuil
Les vies multiples d’Amory Clay
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Le pitch
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la très jeune Amory Clay se voit offrir par son oncle Greville un appareil photo et quelques conseils rudimentaires pour s’en servir. Elle ignore alors que c’est le déclencheur d’une passion qui façonnera irrévocablement sa vie future.
Un bref apprentissage dans un studio et des portraits de la bonne société laissent Amory sur sa faim. Sa quête de vie, d’amour et d’expression artistique l’emporte bientôt dans un parcours audacieux et trépidant, du Berlin interlope des années vingt au New York des années trente, de Londres secoué par les émeutes des Chemises noires à la France occupée et au théâtre des opérations militaires, où elle devient l’une des premières femmes photo reporters de guerre.
Sa soif d’expériences entraîne Amory vers d’autres conflits, des amants, un mari, des enfants, tandis qu’elle continue à poursuivre ses rêves, à combattre ses démons.
À travers le destin singulier et l’objectif téméraire d’une femme indépendante et généreuse, William Boyd nous promène au gré des événements les plus marquants de l’histoire contemporaine.
Mon avis
Avec Les vies multiples d'Amory Clay, William Boyd, ce merveilleux jeune auteur anglais, de loin le meilleur de sa génération, devenu un romancier septuagénaire juste un peu moins enthousiasmant, aborde un exercice qui, visiblement, le fascine : le roman d'une vie.
On ne peut , en effet, qu'être frappé par la similitude de la performance réalisée ici, avec celle entreprise - et oh combien réussie - au tout début du nouveau siècle, avec le titre A livre ouvert (mais aussi avec le chef d'oeuvre Les nouvelles confessions).
Prendre un personnage à sa naissance et le suivre jusqu'à sa mort, c'est en effet le sujet de ces romans. Mais ce n'est pas leur seul point.
Dans les deux cas, il s'agit de personnages qui traversent le XX° siècle, quasiment sur une période identique (1906-1991 pour Logan Mountsuart, le héros de A livre ouvert, 1908-1983 pour Amaury Clay).
Et dans les deux cas, William Boyd part sur un récit autobiographique, les deux personnages étant, de surcroît, des artistes : Mountsuart est écrivain, Clay est photographe.
Une fois ceci posé, le futur lecteur averti (c'est désormais ce que vous êtes devenu) peut se demander avant d'entamer sa lecture, quelle est la pertinence de réemprunter les mêmes chemins.
Risqué, n'est-ce pas, quand le premier roman est, de l'avis unanime, un chef d'oeuvre ?
C'est donc avec une certaine crainte que je me suis lancé dans cet épais roman, crainte attisée par l'essoufflement manifeste de l'inspiration boydienne au cours de la dernière décennie, entre le raté complet d' Orages ordinaires et le travail purement alimentaire de Solo, une nouvelle histoire de James Bond.
Pourtant, pendant près de 200 pages (les trois premiers "livres"), cette crainte m'est apparu infondée. Deux raisons.
La première tient tout simplement au concept du roman.
Une photographe qui raconte sa vie, le récit étant entrecoupé par une série de reproduction de photos auxquelles elle fait référence dans le corps du texte, c'était une excellente, ou une très mauvaise idée.
Mauvaise, avec le risque de "casser" le principe même d'un roman, qui est de faire naître des images dans l'esprit du lecteur, à charge pour lui de leur faire prendre corps à partir de son propre moi.
Excellente, dès lors que les reproductions restent suffisamment rares et énigmatiques pour maintenir la distance nécessaire avec trop de réalité.
La seconde tient au personnage lui-même, et aux expériences qu'elle vit.
Une femme qui, entre les deux guerres, exercent un métier jusque là réservé aux hommes (de photographe mondaine, elle devient en effet très vite grand reporter), qui part enquêter en Allemagne en pleine montée du nazisme, qui affronte la montée de l'extrême droite en Angleterre, c'est intriguant, et c'est souvent passionnant.
Cependant, dès les premières pages, une réserve s'impose : Boyd ne tient pas bien son personnage.
On sait qu'il aime se glisser dans la peau d'une femme en terme de narration, mais ici, cela ne fonctionne pas bien et son héroïne manque de crédibilité sexuée, si je puis employer ce néologisme : le lecteur ne croit pas un instant que c'est une femme qui écrit.
Après, le roman perd peu à peu de sa consistance. Oh, c'est très progressif, mais le glissement est régulier.
La raison ? Je crois que Boyd a déroulé son récit sans la flamme qui le possède dans ses grands romans.
Il déroule, de manière un peu mécanique, une histoire finalement assez convenue et attendue sur la guerre du Vietnam, avec des personnages qui manquent d'épaisseur, aucun n'étant de surcroît assez antipathique ou sympathique pour susciter l'empathie du lecteur.
Pour résumer tout cela : un roman bourré de savoir-faire, largement supérieur à la production standard, mais où je n'ai, passé les premières pages, jamais retrouvé la flamme boydienne.
La retrouverais-je un jour, cette musique incroyable d' Un anglais sous les tropiques, de Comme neige au soleil , ou bien entendu des deux chefs-d'œuvre évoqués plus haut, A livre ouvert et les Nouvelles confessions ? Je croise les doigts mais, comme disait le poète, le temps passe...
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