Speak
Rue de Sèvres
Speak
Rue de Sèvres
Le pitch
"J'aimerais faire un voeu mais je ne sais pas lequel... J'essaie de ravaler la boule que j'ai dans la gorge. Je pourrais leur raconter ce qui est arrivé. Comment réagiraient-ils ? " Melinda a 15 ans. Ce soir d'été, au beau milieu d'une fête, la jeune fille est victime d'un drame. Elle appelle la police.
Personne ne saura jamais pourquoi elle a lancé cet appel, ni ce qu'il lui est arrivé cette nuit-là. Tout simplement parce que Melinda, murée dans son silence, ne parvient pas l'exprimer...
Mon avis
One shot qui a fait le buzz dès sa sortie, tout début 2019, Speak est un roman graphique événement à plus d'un titre.
Tout d'abord - et essentiellement - parce que le sujet, adaptation d'un roman de Laurie Halse Anderson, est terriblement dans l'air du temps.
Enfin, depuis quelques années, on parle des viols 'ordinaires" qui régulièrement, corrompent les relations des adolescents à la fin de leurs études secondaires et qui restent impunis, faute pour les victimes traumatisées de parvenir à s'exprimer et à porter plainte.
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Mais Speak n'est pas qu'un sujet porteur, c'est aussi une oeuvre littéraire de qualité.
Je n'ai pas lu le roman dont est tiré le travail d'Emily Carroll, une jeune canadienne sans peur et sans reproche, capable de "sortir" un pavé de près de 400 planches, toute seule comme une grande !
Mais je sais, sans le moindre doute, que son travail d'adaptation est tout à fait remarquable.
Les graphismes sont mis en valeur - comme toujours chez Rue de Sèvres - par une édition pleine page brochée avec une reliure souple particulièrement agréable au toucher et à la manipulation.
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Du noir et blanc pur et dur avec une construction déstructurée qui fait la part aux maelstroms d'émotion qui traversent sans discontinuer la tête et les nerfs de la jeune héroïne.
J'avoue ne pas avoir été touché au départ par le style graphique d'Emily Carroll, mais j'ai été séduit peu à peu par sa capacité à modifier ses codes et ses repères en fonction de l'évolution du propos.
Par contre, dès le départ, je me suis pris la qualité de la narration dans la gueule.
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L'habileté du propos, c'est avant tout de ne pas sombrer dans le pathos.
Une histoire terrible, oui, mais que d'humour dans l'exposition !
Toute l'habileté du propos est de mélanger les traumatismes subis par la jeune Mélinda du fait de son agression - traumatismes réels, terribles - avec les problèmes préexistants chez l'adolescente.
Problèmes typiques d'une fille de quinze ans introvertie, mal intégrée dans son groupe social, bourrée de complexes, de doutes, de questions...
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Toutes les perceptions se mélangent dans la tête de l'héroïne - du très grave à l'anecdotique - et cela participe à donner une épaisseur et une crédibilité étonnante au personnage.
Sans spoiler l'histoire, sachez que le récit est, au fond, teinté d'un optimisme réel, une confiance raisonnable mais indubitable dans la vie qui permet in fine de garder une tonalité positive à l'ensemble.
Du feel good book graphique ? Je n'irais pas jusque là mais, faites-moi confiance, vous pouvez y aller sans crainte !
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