Serena
Sarbacane
Serena
Sarbacane
Le pitch
La sublime Serena, accompagnée de son mari George Pemberton, riche exploitant forestier, descend du train à vapeur. Leur projet ? Exploiter jusqu'au dernier arpent le bois des Smoky Mountains dont Pemberton est l'héritier. Ce sont les années 30, la crise a jeté sur les routes des hordes d'ouvriers et leurs familles.
L'aubaine est trop bonne pour ces deux monstres, qui se vivent comme seuls au monde. Ils vont imposer leur loi, impitoyable, à des bûcherons traités comme des esclaves.
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Mon avis
Les adaptations de romans en BD sont de plus en plus nombreuses : fastoche, l'histoire est déjà là, les dialogues aussi, il n'y a plus qu'à dessiner... sauf que cela ne se passe du tout comme cela !
Adapter graphiquement un roman, c'est exactement aussi complexe et difficile que de le porter à l'écran.
Le scénariste doit choisir ce qu'il "prend" dans le roman, ce qu'il laisse de côté (on ne peut pas traduire toute la matière d'un roman, trop riche).
Il doit ensuite découper le scénario, choisir ou réinventer les dialogues, les récitatifs. Avant de choisir les angles de vue, pour finalement mettre tout cela sur le papier à destination du graphiste qui va "illustrer" la BD.
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Un travail de chien, et un travail minutieux, précis. Il faut du talent et du temps : sans doute est-ce pour cela que 90 % des adaptations de roman en BD sont ratées !
Heureusement, il y a des contre-exemples, et Serena en est un excellent.
Le roman dont est tiré l'album est un récit de Ron Rash, auteur américain à la mode (mais que je connais mal, même si je n'ai pas du tout apprécié son dernier roman, Par le vent pleuré), spécialisé dans le nature writing avec comme sujet principal les Appalaches, où il a toujours demeuré.
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En tout juste 200 planches, les deux auteurs transcrivent le très épais roman naturaliste de Ron Rash (plus de 500 pages), qui se déroule au fin fond de la Caroline du Nord en pleine crise de 29.
L'histoire d'un destin tragique. Non : pas tragique; le terme horrifique parait plus adapté !
Le héros, George Pemberton, s'est marié avec la belle mais (on le comprend très vite) cruelle Serena, pour la ramener sur son domaine où il exploite la forêt.
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Pour l'amour de sa belle, dont la cruauté implacable se révèlera confiner (ou se confondre) à la folie, il va tout sacrifier : ses amis, sa famille, sa fortune, son honneur. Et au delà... mais je ne vous en dit pas plus.
Histoire d'une descente aux enfers dont on devine le fil mais qui va toujours plus loin que là où on s'y attendait, Serena est aussi fascinant qu'un excellent film d'horreur, celui où le monstre est celui qui demeure là, tapi au fond, dans l'ombre (l'album n'est donc pas à être mis entre toutes les mains !)
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Les graphismes aux traits volontairement épais, avec des visages grossiers, tout juste esquissés, ne sont pas beaux, esthétiquement, mais ils servent parfaitement la noirceur du sujet (à noter, cependant, plusieurs planches sur fond de neige aux dessins très fins, de toute beauté, disséminés dans l'album).
J'avoue être sorti très impressionné de ce Tourne Page qui m'a donné envie de découvrir les autres bébés du couple artistique Pandolfo & Risbjerg !
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