Retour à Martha’s Vineyard
Quai Voltaire
Retour à Martha’s Vineyard
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Le pitch
Le 1er décembre 1969, Teddy, Lincoln et Mickey, étudiants boursiers dans une fac huppée de la côte Est, voient leur destin se jouer en direct à la télévision alors qu'ils assistent, comme des millions d'Américains, au tirage au sort qui déterminera l'ordre d'appel au service militaire de la guerre du Vietnam. Un an et demi plus tard, diplôme en poche, ils passent un dernier week-end ensemble à Martha's Vineyard, dans la maison de vacances de Lincoln, en compagnie de Jacy, le quatrième mousquetaire, l'amie dont ils sont tous les trois fous amoureux.
Septembre 2015. Lincoln s'apprête à vendre la maison, et les trois amis se retrouvent à nouveau sur l'île. A bord du ferry déjà, les souvenirs affluent dans la mémoire de Lincoln, le "beau gosse" devenu agent immobilier et père de famille, dans celle de Teddy, éditeur universitaire toujours en proie à ses crises d'angoisse, et dans celle de Mickey, la forte tête, rockeur invétéré qui débarque sur sa Harley. Parmi ces souvenirs, celui de Jacy, mystérieusement disparue après leur week-end de 1971. Qu'est-il advenu d'elle ? Qui était-elle réellement ? Lequel d'entre eux avait sa préférence ?
Mon avis
Dieu sait si j'ai adoré Richard Russo !
Le déclin de l'empire Whiting (2002) est franchement un des meilleurs romans de ce début de siècle, et les œuvres qui l'entourent chronologiquement, de Un homme presque parfait (1995) à Le pont des soupirs (2010) sont excellents.
Mais après un trou de sept ans, les derniers romans et nouvelles de l'auteur m'ont déçu, parfois profondément. Et, après un recueil de nouvelles complètement raté (Trajectoire), cela ne va pas complètement changer avec Retour à Martha's Vineyard.
En fait, j'ai l'impression que Richard Russo a perdu deux éléments essentiels qui rendaient ses romans si forts et addictifs.
Le premier, c'est tout simplement l'inspiration.
Retour est un roman au scénario bancal, mais - comme un tabouret dont un pied est légèrement plus court que les autres - on ne sent rend compte qu'au bout d'un moment, quand on s'est assis et qu'un appui vous manque.
Pendant la première moitié du récit, Russo projette des tonnes de fumée sur son histoire, instillant un vague suspens sur des évènements s'étant déroulés des dizaines d'années plus tôt, et le lecteur se laisse entrainer, tant bien que mal, même si les personnages principaux manquent d'épaisseur et - beaucoup trop "construits" - de crédibilité.
Après, la fumée se dissipe peu à peu, lentement (si lentement !) et la vérité apparaît, un peu cruelle : le rois est nu, et il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent.
Le second, c'est la joie de vivre.
Retour est un roman de vieux (comme l'était déjà Le pont des soupirs, d'ailleurs), chargé de nostalgie, de regrets, d'une sacré dose de dépression et d'énergie négative. Mais où est donc passé l'espoir, la foi en l'humanité et même l'humour qui illuminaient les premiers textes de Russo, malgré leur sujet parfois très difficile ?
Je ne remets pas ici en cause la qualité d'écrivain de Richard Russo, son style si agréable, son sens des dialogues, mais j'ai trouvé ce dernier texte statique, déprimant et, passé le premier tiers du récit, je me suis vraiment ennuyé.
Même si Retour à Martha's Vineyard se lit jusqu'au bout, je suis déçu, déçu...
Richard Russo devrait sortir de son pré carré de la Nouvelle Angleterre, de son milieu universitaire ultra-fermé, et partir à l'assaut du reste du monde, pour s'aérer l'esprit, trouver de nouvelles sources d'inspiration, et un peu de peps. Ou alors prendre sa retraite. Après tout, passé 70 ans, cela est honorable...
NB : mon avis très balancé ne rejoint pas ceux de nombre de lecteurs lus sur les réseaux sociaux; c'est cela le charme de la lecture ! Alors, dans le doute, n'hésitez pas à tenter votre chance !
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