Rage noire
Rivages
Rage noire
Rivages
Le pitch
Le héros de Rage noire est peut-être celui qui résume le mieux les autres personnages thompsoniens.
C'est l'histoire d'un jeune noir à New York, dont la mère est blanche et qui ne connaît pas son père. Il a donc déjà des rapports terribles avec sa mère et, en plus, celle-ci l'oblige à coucher avec elle et c'est absolument épouvantable. Il atteint un degré de violence quasiment jamais atteint par un personnage de Thompson...
Et ce môme a douze ou treize ans, et il joue au noir forcené, le couteau entre les dents. Chaque fois, tous les soirs, il s'écroule à cause du rôle qu'il est obligé de tenir. C'est réellement un concentré de toute l'oeuvre de Thompson. En plus c'est très ancré socialement et politiquement " (Alain Corneau, Gang n° 2)"
Mon avis
Parfois, le titre français d'un roman trahit son esprit.
Ici, ce n'est pas le cas, puisque le jeune héros (qui n'a pas douze ou treize ans, comme l'écrit Alain Corneau dans le pitch, mais dix-huit) est noir, et qu'il est en rage.
Mais je préfère tout de même le titre américain : Child of rage (enfant de la rage).
D'abord, parce que c'est un titre magnifique, mais aussi parce que cette notion d'enfant est absolument au centre du propos développé par Jim Thomson.
Thomson, c'est le plus grand auteur de roman noir américain. Mais attention : du noir de chez noir !
A chaque fois que je termine un de ces livres, je crois avoir atteint le fond de sa "noircitude" qui est, ici, plutôt une "négritude" (mauvais jeu de mot, mais vous comprendrez mieux après avoir lu le roman), et à chaque fois, je découvre encore plus de profondeur à l'abîme.
Mais avec Rage noir, l'auteur atteint vraiment le fond (c'est d'ailleurs son dernier livre, publié en 1972).
Attention : dès les trois premier chapitres, vous allez en prendre plein la tronche (là aussi, désolé, le vocabulaire est là pour coller au livre !).
Une, deux, trois allers-et-retours en pleine figure, qui vont vous laisser groggy.
Vous croyez alors que cela va se calmer, mais non : paf ! paf et repaf ! Thomson vous en colle d'autres, et cela ne cessera quasiment qu'à la dernière page (je n'en dis pas plus, pour ne pas spoiler).
Rage noir n'est pas un polar, ce n'est pas un thriller, c'est véritablement une oeuvre littéraire dont la portée dépasse, et de loin, quasiment tout ce que vous avez pu lire jusqu'alors.
Sérieux : dans le genre, je ne vois guère que l'apparition miraculeuse de Donald Ray Pollock, en 2015, avec Knockemstiff et Le diable, tout le temps, pour retrouver un tel sérum de noirceur.
Scotché du début jusqu'à la fin, sonné jusqu'à la nausée par les provocations de Thomson - certaines scènes de sexe, hyper malsaines, sont à la limite de la pornographie - je suis sorti de ce livre lessivé.
Si vous êtes majeur et vacciné (surtout, éloignez ce livre des enfants, et même des adolescents !) et que vous n'avez peur de rien, vous devez absolument plonger dans cette flaque d'encre, pour trouver, tout au fond, ce parfum d'espoir distillé, in fine, par l'auteur.
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