Mr. Bridge
Belfond / 10/18
Mr. Bridge
Belfond / 10/18
Le pitch
Mr Bridge et son pendant, Mrs Bridge, forment une oeuvre en diptyque adulée par des générations entières de romanciers américains.
Walter Bridge est un avocat ambitieux qui se tue au travail pour subvenir aux besoins de sa famille. La richesse financière et matérielle, le bien-être qui en découle, font de sa vie un cocon confortable.
Mais, sous son apparente respectabilité, se cache un vide intérieur profond, un véritable trou noir qui menace d'avaler la famille tout entière.
Mon avis
Mr Bridge et son pendant, Mrs Bridge, constituent un phénomène de l'édition américaine d'après-guerre, resté pendant de longues décennies presque complètement inconnu en France.
Incroyable le manque de porosité entre l'édition outre-atlantique des années 50 à 70 et son pendant français ! Que de grands romans à succès restés alors quasiment coincés entre les deux continents !
Heureusement, les éditeurs français comme Belfond et 10/18 (pour le format poche) ressuscitent depuis peu nombre de ces best-sellers qui sont aussi d'excellents romans...
Mr Bridge a été publié en 1969, dix ans après Mrs Bridge, le premier volet du diptyque ultra cohérent que forment les deux romans à dix ans d'intervalle.
Si vous n'avez pas lu ce premier roman consacrée à la figure féminine de ce couple terrifiant de la middle-upper class de l'entre deux guerres, inutile de foncer sur Mr Bridge : allez découvrir d'abord ma critique de Mrs Bridge, qu'il faut lire absolument en premier.
Ça y est ? Bien ! Parlons donc de ce second volet.
Vous savez désormais que vous êtes sortis ébranlés, profondément troublés par la peinture de cette femme à la vie intérieure d'une totale vacuité exécutée à petits coups de pinceau impressionniste par Evan S. Connell (auteur alors parfaitement inconnu à l'époque de sa sortie).
A ce moment là, vous vous êtes demandé qui était le fantôme vivant à ses côtés, cet homme dont on ne sait rien, ou du moins pas plus que sa femme...
Un homme absent pour elle, absent pour ses enfants, toujours au travail et qui - attention spoil ! - va mourir brutalement d'une crise cardiaque en emportant ses mystères dan sa tombe.
Mr Bridge, c'est donc l'occasion de découvrir l'autre côté du miroir.
L'auteur, utilisant exactement la même mécanique narrative que pour son premier roman, suit son personnage en gros plan, sans jamais varier son focus.
141 scènes très courtes révélant peu à peu le personnage dans toute... son inconsistance.
C'est là que le bât blesse (légèrement) : en lisant Mrs Bridge, on imaginait un mari mystérieux car complexe, absent car volage ou tout entier concentré sur des affaires professionnelles étranges, brillantes ou à la limite de la malversation; mais l'on découvre petit à petit que ce mari n'est que le parfait reflet de sa femme.
Aussi rigide, largué et vide de richesse intérieure qu'elle...
Je n'en dirais pas plus, car il faut tout de même lire ce second volet d'une oeuvre à nulle autre pareille.
Sans doute trop long (plus de 400 pages, Connell aurait se limiter au 300 du premier tome), probablement trop attendu (la seule surprise du roman est... qu'il n'en recèle aucune), ce récit est cependant toujours exceptionnellement maîtrisé dans son style et son exposition.
En cela, il mérite vraiment le détour.
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