Mémoires de guerre
Editions Taillandier
Mémoires de guerre
Editions Taillandier
Le pitch
En 1936, lors d'un débat houleux aux Communes, le député Churchill lançait à Stanley Baldwin : « L'Histoire dira que vous avez eu tort... Et si j'en suis certain, c'est parce que c'est moi qui l'écrirai ! »
Parole tenue : voici une traduction aussi fidèle que possible des Mémoires de guerre du célèbre Premier ministre et prix Nobel de littérature Winston Churchill. Elle est complétée par des commentaires destinés à corriger les omissions, exagérations, approximations et improvisations inévitables chez tout homme d'exception ayant entrepris de faire l'histoire et de l'écrire à la fois.
Mon avis
Lorsqu'on a rassemblé suffisamment de courage pour entamer la lecture des deux énormes volumes (plus de 1 600 pages d'une grande densité !) qui composent la dernière édition, aux éditions Taillandier, des mémoires de guerre (la seconde) de Winston Churchill, impossible de ne pas faire la parallèle avec les Mémoires de guerre de Charles de Gaulle...
Et pourtant, à la lecture de ces deux monuments de la littérature du XX° siècle, il faut bien constater que presque tout les sépare, à l'exception du sujet, ainsi que la volonté identique des deux hommes d'état de combattre, coûte que coûte, le mal pour sauver leur patrie, une notion qu'ils appréhendent d'une manière quasiment identique.
Les mémoires de de Gaulle frappaient par leur qualité littéraire, absolument étonnante.
Un style classique, mais flamboyant dans la construction de ses phrases. Une entreprise d'écriture éminemment solitaire.
Chez Churchill, le résultat est le fruit d'un travail en équipe : une équipe de documentalistes rassemblaient les éléments et informations destinées à constituer la "chair" du texte, des secrétaires assistants effectuaient une première mise en forme du texte, et c'est alors que Churchill intervenait pour "mettre sa patte" : réécriture formelle (quel sens de la narration !) et factuelle (anecdotes). *
Les mémoires de de Gaulle sont celles d'un homme qui a orienté le destin d'un pays, sans jamais avoir le pouvoir, ni la direction d'une armée (paradoxe ultime, puisqu'il était le seul vrai militaire parmi les chefs d'état alliés !).
L'analyse forme l'essentiel de l'œuvre.
Celles de Churchill sont celles d'un homme au pouvoir d'un grand pays et qui se targuait, de surcroit, de "diriger la manœuvre" et d'impulser la stratégie des armées.
L'essentiel du récit est donc constitué de faits, de récits opérationnels, quasiment au jour le jour.
Quoiqu'il en soit, malgré ces différences fondamentales, cela n'empêche pas les deux œuvres d'être aussi formidables, étonnantes, inoubliables, l'une que l'autre.
Le lecteur ne pourra s'empêcher de rire en découvrant à quel degré les deux hommes se détestaient, au point que de Gaulle ne parle de Churchill que quand c'est nécessaire pour la compréhension de l'histoire, et que Churchill parvient à exclure quasiment totalement de Gaulle du récit de SA seconde guerre mondiale !
Critique du premier tome, de 1919 à 1941
Une fois cela dit, que penser du premier volume de ces mémoires du bouledog, qui va de la fin de la première guerre mondiale à 1941 ?
Ce premier tome est tout simplement un chef-d'œuvre.
Les 300 premières pages sont absolument essentielles à qui veut comprendre pourquoi la seconde guerre mondiale est arrivée, alors que tout aurait pu être évité.
J'ai découvert, grâce à l'analyse de Churchill, comment les grandes puissance occidentales auraient pu, à au moins une demi-douzaine d'occasions, couper Hitler dans son élan et briser la dynamique qui l'a conduit à développer sa politique d'expansion.
Retenons-en une leçon pour notre avenir, en ces temps incertains: pour affronter un tyran, une idéologie, un mouvement populiste destructeur, la faiblesse ne paie jamais.
Chez les dictateurs, les psychopathes, seuls la force et la volonté ont un sens...
La deuxième partie du volume, qui narre les 18 premiers mois de guerre, est tout aussi passionnante.
C'est un véritable film à grand spectacle que déploie Churchill sous les yeux ébahis du lecteur, avec ce talent si particulier de raconter l'Histoire avec clareté et précisions.
Malgré une bonne connaissance de la période, j'ai appris quantité de choses sur le déroulement des opérations, avec deux notamment deux récits passionnants : la bataille de France, avec en point d'orgue le sauvetage de Dunkerque, mais aussi et surtout la baille d'Angleterre, avec un récit saisissant du blitz de Londres et des combats aériens au dessus de l'Angleterre.
Bref : on arrive au terme des 650 pages comme s'il on achevait le premier tome d'un grand roman d'aventure, épuisé d'émotions et avide de connaître la suite !
Un récit indispensable pour tout amateur d'histoire du XX° siècle.
(N'hésitez pas à lire ma crique du second tome sur le site, au sein de laquelle j'évoque notamment le rôle essentiel de François Kersaudy dans l'élaboration de cette édition).
* Cela ne l'a pas empêché d'obtenir le prix Nobel de littérature en 1953 !
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