Le pitch

Sebastian Rudd n'est pas un avocat comme les autres. Il travaille dans un van aménagé, avec des vitres blindées, le wifi, un petit réfrigérateur, des fauteuils de cuir, une cache pour ses pistolets.

Sa petite entreprise ne compte qu'un seul employé : son chauffeur, qui fait office également de garde du corps, d'assistant juridique, de confident. Sebastian vit seul au sommet d'un gratte-ciel et porte toujours une arme sur lui.

Sebastian défend des gens qui font fuir les autres avocats : un junkie tatoué, membre selon la rumeur d'une secte satanique, accusé d'avoir enlevé et tué deux petites filles , un chef mafieux sanguinaire, dans le couloir de la mort , un habitant ayant tiré sur une équipe du SWAT alors qu'elle donnait l'assaut dans sa maison et se trompait d'adresse.

Pourquoi accepter ces clients ? Parce qu'il considère que toute personne poursuivie en justice a droit à un procès équitable , et pour ce faire, Sebastian est prêt à franchir la ligne jaune de temps en temps. Il exècre l'injustice, n'aime ni les compagnies d'assurances, ni les banques, ni les grosses sociétés. Il se méfie des gens de pouvoir, à tous les niveaux, et fait fi des règles et de l'éthique.

Mon avis

John Grisham est l'inventeur et le pape incontesté du polar juridique depuis un quart de siècle. Il sait, à l'occasion, démontrer qu'il est aussi un écrivain de grande valeur (je vous invite à lire La dernière récolte, paru en 2000, qui est un roman absolument remarquable).

Il lui est déjà arrivé d'avoir de petites baisses de régime, liées à son rythme de production, car il écrit un roman copieux tous les ans, sans compter les "à côté" (il s'est lancé en plus il y a quelques années dans des romans pour la jeunesse), ce qui était le cas, ily a peu, pour L'ombre de grey moutain, qui était franchement raté. Mais avec L'insoumis, c'est un deuxième roman de suite qui devrait rester en travers de la gorge de ses plus fidèles admirateurs, dont je fais partie.

J'emploie le conditionnel, car il semble que ce récit a rencontré un grand succès aux États-Unis. Ce qui s'explique par le thème de l'oeuvre, qui est une dénonciation des dérives de la société américaine dans le traitement du problème de sa délinquance : police partiale, ne respectant pas les principes élémentaires du droit, justice gangrenée par la politique et le clientélisme, politique incroyablement stupide de répression à tout va avec des peines d'emprisonnement systématique...

Compte tenu de tous les faits divers qui ont secoué le pays ses dernières années, il n'est pas étonnant que ce texte ait fait du bruit. Mais, comme vous le savez, de bonnes intentions ne font pas forcément un bon roman... Attention : je ne dis pas que ce récit est mauvais ; il est simplement très en dessous de ce que sait et peux faire Grisham ! Les raisons ?

D'une part les personnages sont tous des archétypes, à commencer par un "héros" tellement mal dessiné que le lecteur écarquille les yeux tant il a du mal à y croire.

De surcroît, honte à lui, Grisham plagie carrément l'invention de Michael Connelly, à savoir un avocat sans bureau fixe, "embarqué" dans un véhicule (cf. Michael Haller).

Enfin, pour rendre son personnage "humain", l'auteur ne trouve rien de mieux que le récit vu mille fois dans d'autres polars d'un mariage raté, avec des rebondissements tellement vus que c'en est à pleurer.

Comme l'intrigue ne possède pas de véritable colonne vertébrale, résultat d'un bricolage de plusieurs histoires différentes, aucune n'étant vraiment prenante, on finit par se demander si Grisham, habituellement le roi du scénario béton, a manqué de temps, ou d'inspiration...

Cependant, l'auteur est le roi du Tourne Page, alors on la tourne quand même (la page !) en se faisant la réflexion que le roman pourra servir d'oreiller de plage au moment des bons jours. Mais, bon, c'est tout de même décevant. Et, malheureusement, en refermant le livre, il parait évident que Sébastian Rudd va devenir un héros récurrent sous la plume de Grisham... Je crains le pire pour l'avenir.