L’homme qui tua Lucky Luke
Dupuis
L’homme qui tua Lucky Luke
Dupuis
Le pitch
Par une nuit orageuse, Lucky Luke arrive dans la bourgade boueuse de Froggy Town. Comme dans de nombreuses villes de l'Ouest, une poignée d'hommes y poursuit le rêve fou de trouver de l'or. Luke souhaite y faire une halte rapide. Mais il ne peut refuser l'aide qui lui est demandée : retrouver l'or dérobé aux pauvres mineurs du coin la semaine précédente.
Avec l'aide de Doc Wesnedsay, Lucky Luke mène une enquête dangereuse, car il est confronté à une fratrie impitoyable qui fait sa loi à Froggy Town, les Bone...
L'Hommage de Matthieu Bonhomme à Morris.
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L'affiche hommage au film L'homme qui tua Liberty Valance
Mon avis
S'attaquer à des personnages célèbres de la BD pour poursuivre leurs aventures dans le strict respect de la tradition, c'est ce qui a été fait pour Blake et Mortimer, ou très récemment pour Astérix, et cela n'a pas présenté pas beaucoup d'intérêt (et souvent... pas du tout).
Par contre, s'emparer d'un héros le revisiter, voire le retourner en partie, pour jouer sur le mythe, c'est beaucoup plus intéressant.
C'est ce qui a été fait récemment avec Mickey et avec Spirou, avec des albums parfois splendides à la clé.*
Et voilà que Matthieu Bonhomme s'empare d'un autre pilier de la BD, Lucky Luke et tente le grand saut. Un challenge, lorsqu'on sait que le héros a été déjà bien malmené ces dernières années par des hommages à Morris bien trop respectueux - "à la manière de"-, sans aucune saveur
Le résultat ? Un strict moyen terme entre les deux propositions évoqués plus haut et une grande réussite, sans atteindre au chef d'oeuvre. Mais voyons cela de plus près.
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L'excellente idée de Matthieu Bonhomme, c'est de prendre le personnage de Lucky Luke - typiquement un héros de BD belge des années 50 et 60, c'est à dire tout sauf réaliste (dessin rond et histoire sans cesse à la limite de la parodie) -, et de lui insuffler une part - mais seulement une part ! - de crédibilité réaliste.
Sur le plan du dessin, l'auteur reste dans la rondeur du trait de Morris pour les silhouettes, mais sur lesquelles il plaque des traits plus adultes.
Même chose pour les décors : des dessins ronds et un parti pris de ligne claire, mais beaucoup plus de profondeur de champ, de 3D, que Morris, dont les graphismes étaient complètements à plat.
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La magnifique 2ème planche de l'album, avant mise en couleurs
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La mise en couleurs sort de la quadrichromie traditionnelle pour créer des ambiances beaucoup moins "cartoonesques" que le modèle.
Le résultat est absolument superbe, un plaisir des yeux constant, de la première à la dernière planche : l'album est une vraie, grande réussite graphique, cela vaut le coup de l'acheter, rien que pour cela.
Côté scénario, même chose : Bonhomme reste sur une intrigue somme toute assez conventionnelle, même s'il introduit certains éléments de westerns "plus adultes" que ceux de Lucky Luke et qu'il prend le risque, par exemple, d'introduire un personnage d'attardé mental que l'on n'aurait jamais pu trouver chez Morris.
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Mais il agrège à cette intrigue une quantité considérable de références au western hollywoodien (que je vous laisserai le soin de découvrir).
A commencer par le titre qui évoque, bien entendu, L'homme qui tua Liberty Valance, le chef-d'oeuvre de John Ford.
Des références que le lecteur un peu branché western prendra plaisir à décoder.
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Pour accentuer l'aspect réaliste de l'histoire, l'auteur évite soigneusement toute forme d'humour (qui était fondamentale dans le Lucky Luke de Morris, même dans les premiers albums scénarisés par lui-même, avant l'arrivée de Goscinny), à l'exception d'un running gag particulièrement bien venu sur Lucky Luke et le tabac.
Résultat ? Un album très réussi, très attachant, à qui il manque simplement un brin de folie pour atteindre les sommets, comme on a pu le voir pour les expériences Mickey ou Spirou évoqués plus haut, ou comme pour le film Mon nom est personne, un des sommets en la matière.
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