Les Indes fourbes
Editions Delcourt
Les Indes fourbes
Editions Delcourt
Le pitch
Fripouille sympathique, don Pablos de Ségovie fait le récit de ses aventures picaresques dans cette Amérique qu'on appelait encore les Indes au siècle d'or.
Tour à tour misérable et richissime, adoré et conspué, ses tribulations le mèneront des bas-fonds aux palais, des pics de la Cordillère aux méandres de l'Amazone, jusqu'à ce lieu mythique du Nouveau Monde : l'Eldorado !
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Mon avis
Cet album a été lancé par Delcourt à la rentrée 2019 avec une campagne marketing digne d'un Astérix et Obélix.
Le résultat a été à la hauteur des espérances de l'éditeur, puisque la critique a salué unanimement sa qualité et le public s'est jeté dessus !
Il faut dire que l'entreprise avait de quoi séduire : l'album est en effet le fruit de l'alliance des deux plus grands spécialistes de l'histoire de la BD anthropomorphique.
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Côté scénario, Alain Ayroles, sans doute le précurseur du genre avec la superbe série au long cours De cap et de crocs.
On retrouve d'ailleurs dans Les Indes fourbes tout ce qui faisait le sel de la série : le goût pour l'aventure historique (même si on est ici, non pas au XVII°, mais au XVI° siècle); le style, picaresque; la fascination pour les terres du bout du monde.
Côté graphismes, Juanjo Guarnido, le maître incontesté du genre avec les dessins somptueux de la série Blacksad.
Ici, pas d'animaux comme personnages principaux : juste des hommes.
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Les Indes fourbes est un long one shot (145 planches très denses) présenté dans une édition impressionnante : grand format, couverture lourde et épaisse, papier au grammage important fausse tranchefil, marque page rouge vif.
L'ensemble est destiné à impressionner, et "ça le fait".
Sauf que c'est surtout le prix qui reste en travers de la gorge : 34,90 €. On ne me l'aurait pas offert en cadeau, je ne l'aurais pas acheté !
Bien. Et mes impressions de lecture ?
J'avoue m'y être repris à trois reprises pour franchir le cap du premier tiers de l’histoire, tant j'ai été découragé par le parti pris narratif : les 3/4 de l'album sont racontés par un récitant.
Des bandeaux sur fond jaune où le héros raconte ce qui s'est déjà passé, insérées dans des vignettes illustrant la narration en voix off.
Je déteste ce procédé dans une BD, surtout quand il est quasi systématique (il peut se justifier dans certains films, comme quelques chefs-d'oeuvre d'Orson Welles), tant il m'empêche de me laisser absorber par le récit.
Passé ce cap, je me suis échoué sur le switch situé à la première moitié du livre (la fin du premier chapitre), switch que j'avais anticipé quasiment depuis le début.
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Après ? Ayroles allège son procédé narratif durant les second chapitre... pour en abuser à nouveau sur toute la fin de l'histoire, multipliant les switchs pour le plaisir.
Bref : jamais je ne me suis laissé (ou fait) embarquer dans ce récit à la virtuosité un peu trop ostentatoire.
Heureusement, il y a Guarnido. 145 planches de pur plaisir visuel, où l'artiste se fait plaisir tout en le partageant (ce plaisir !) avec ses lecteurs.
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Le sommet de l'album ? Douze planches (56 à 67) absolument muettes, sans aucun texte, une narration visuelle fascinante avec, en plein centre, une formidable double page à l'aquarelle où Guarnido explose sa palette à coup de couleurs vives.
Rien que pour ça, l'album vaut le détour !
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