Les coeurs de ferraille

Jose Luis Munuera, BeKa

Dupuis

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Le pitch

Dans un monde rétrofuturiste où les humains vivent entourés de serviteurs robots, la jeune Iséa préfère se réfugier dans Cyrano de Bergerac, film conseillé par Tal, sa seule amie, qu'elle ne rencontre que par écran interposé. Mais le jour où Debry, sa robot-nounou adorée, est renvoyée par sa mère, le fragile équilibre de l'adolescente s'effondre.

Coûte que coûte, Iséa décide de retrouver la seule personne qui lui ait jamais donné de l'amour, fût-elle un robot...

Accompagnée par un camarade d'école, Tilio, elle va partir vers l'étrange ville de Tulpa...

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Les coeurs de ferraille

Mon avis

Les coeurs de ferraille c'est, pour l'instant, une série composée de trois albums.

Chacun d'entre eux est - c'est important de le souligner - un one shot, parfaitement indépendant des deux autres (même si le monde dans lequel évoluent les personnages est identique).

L'idée de départ des grands professionnels que sont Jose Luis Munuera et Beka (dont j'ai déjà évoqué les créations sur le site) est toute simple.

Les coeurs de ferraille

Imaginer un monde rétrofuturiste où les robots, très évolués, sont au service des humains.

Pour accomplir toutes les tâches les plus basses et répétitives. Comme faire la cuisine, le jardin, récolter le coton...

Ces robots n'ont pas de droits, bien entendu.

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Les coeurs de ferraille

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Seuls les robots limiers, qui constituent en quelques sortes la police des humains, ont un droit. Celui de tuer, y compris les humains, pour autant qu'ils contreviennent aux règles très strictes qui régissent la société.

Les trois histoires que les auteurs racontent, chacune sur 70 planches et un "format Dupuis" laissent à penser, au début de la lecture, qu'elles sont destinées avant tout à la jeunesse.

Les coeurs de ferraille

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Pourtant, elles se révéleront, peu à peu, comme extrêmement violentes, parfois choquantes sur le plan moral (la mère, dans le premier tome...) et ne doivent pas être mises entre les mains des plus jeunes.

Ces trois histoires sont celles, universelles, de la cohabitation entre deux peuples. Les humains et les robots.

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Les coeurs de ferraille

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Vous l'avez déjà compris, le prétexte robot/monde rétrofuturiste va donner l'occasion de raconter des histoires de ségrégation, de répression, mais aussi d'abnégation, de solidarité "inter races".

En fait, on est ici dans la grande continuité des grands romans américains qui, depuis un siècle et demi, évoquent le destin des afro-américains et des américains natifs (suivant la terminologie utilisée aujourd'hui aux Etats-Unis).

Les héros de ces albums sont des enfants, ou des adolescents, mais du côté des adultes, on croise surtout des autocrates, des racistes, des théoriciens des pires dérives cognitives de notre société (Munuera utilise d'ailleurs à un moment le terme de "grand remplacement").

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Les coeurs de ferraille

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Avec une sobriété et une subtilité qui m'ont étonné, puis séduit, parfois bouleversé, les auteurs déroulent un scénario plein de rebondissements et d'empathie.

Les deux premiers tomes (Debry, Cyrano et moi, et L'inspiration) sont parfaits, le troisième (Sans penser à demain), un léger cran en dessous.

Côté illustrations, le travail de Munuera - un trait semi-réaliste, "à la Dupuis" est, comme toujours magnifique, appuyé par une mise en couleurs de Sedyas qui ne manque pas de classe (cf. les quelques planches proches du noir et blanc)

Cette série est clairement, pour moi, un grand coup de coeur de l'année puisqu'il donne accès, à tous les âges de lecture, à un espace de réflexion, sans jamais tomber dans un exercice didactique.

NB : le premier volume évoque longuement (comme son titre l'indique) la pièce Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand. Un livre qui parle de Cyrano ne peut pas être mauvais...

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