Le pavillon des combattantes
Les presses de la cité
Le pavillon des combattantes
Les presses de la cité
Le pitch
1918. Trois jours à Dublin, ravagé par la guerre et une terrible épidémie. Trois jours aux côtés de Julia Power, infirmière dans un service réservé aux femmes enceintes touchées par la maladie. Partout, la confusion règne, et le gouvernement semble impuissant à protéger sa population. À l'aube de ses 30 ans, alors qu'à l'hôpital on manque de tout, Julia se retrouve seule pour gérer ses patientes en quarantaine. Elle ne dispose que de l'aide d'une jeune orpheline bénévole, Bridie Sweeney, et des rares mais précieux conseils du Dr Kathleen Lynn – membre du Sinn Féin recherchée par la police.
Dans une salle exiguë où les âmes comme les corps sont mis à nu, toutes les trois s'acharnent dans leur défi à la mort, tandis que leurs patientes tentent de conserver les forces nécessaires pour donner la vie. Un huis clos intense et fiévreux dont Julia sortira transformée, ébranlée dans ses certitudes et ses repères.
Mon avis
Il y a une paire d'années, j'avais découvert avec admiration et effroi Pas si calme, le terrible récit d'Helen Zenna Smith, journaliste racontant (comme un roman) les souvenirs d'une infirmière anglaise sur le front de l'est, en 1917.
Des mémoires terrifiantes qui rendaient un hommage saisissant à ces femmes dont on ne parle jamais, celles qui, durant les terribles conflits armés du XX° siècle, se sont battues au péril de leur vie - non pas avec des armes mais avec leur courage et leurs outils de survie - au côté des militaires pour sauver leurs compatriotes blessés au combat.
Avec Le pavillon des combattantes, j'ai eu l'impression de découvrir, en quelque sorte, une autre facette de la période; toute aussi terrible, et tout aussi réconfortante dans son humanité.
Emma Donoghue est une auteure irlandaise, très connue, notamment pour son combat pour la reconnaissance des droits des lesbiennes.
Elle s'empare dans ce roman - car c'est un roman, bien que la forme et le fond s'apparentent quasiment à un essai documentaire - de la situation des infirmières à la fin de la première guerre mondiale.
Non pas, cette fois ci, sur le front, au milieu des hommes combattants, mais à l'arrière, à Dublin, au milieu des femmes enceintes victimes de la terrible grippe espagnole qui est en train de ravager le monde (et qui sera responsable de plus de victimes que la guerre !).
Pendant 350 pages, Emma Donoghue suit le combat quotidien de Julia - la narratrice - qui tente de sauver ces femmes en train d'accoucher alors qu'elles sont déjà terriblement éprouvées par la maladie.
Un récit quasi documentaire qui, 48 heures durant, va raconter comment, heure par heure, des femmes tentaient de sauver, quasiment sans aucun moyen, d'autres femmes vivant un véritable enfer.
Le choix narratif de l'auteure est remarquable : comme dans un reportage, caméra sur l'épaule, elle suit Julia travaillant, luttant, discutant avec ses coreligionnaires et avec leurs patientes.
Enormément de dialogues, comme saisis sur le vif.
Pas de chapitre, mais quatre très longues parties sans pause.
Au cinéma, on appellerait ça des plans séquences, et c'est exactement ce que sont chacune de ces parties : des plans séquences où le lecteur suit, caméra sur l'épaule, Julia Power se battre contre la nature et la maladie.
La première partie s'arrête à la page 120. Entamez votre lecture : je vous mets au défi de ne pas la poursuivre, d'une traite, jusqu'à son terme. Sans respirer.
Et après une brève respiration, vous replongerez, en apnée, pour lutter au côté de ses femmes admirables.
Paradoxalement, le récit d'Emma Donoghue ne tourne pas autour de la grippe espagnole.
Le sujet, c'est avant tout la condition de la femme enceinte. J'ai plus appris à la lecture de ce roman sur les techniques d'accouchement que je n'en avais acquis au cours de ma (longue) vie.
Un témoignage documentaire fabuleux.
Attention : ne croyez pas un instant que roman est un drame !
Son choix est certes de décrire des terribles destins individuels, mais en gardant, page après page, un léger sourire aux lèvres.
Un sourire qui traduit l'incroyable foi en l'humanité de son héroïne, malgré toutes les épreuves qu'elle traverse, au côté d'une jeune apprentie qui sera pour elle, pendant un bref moment, une lumière d'espoir dans l'obscurité de l'hôpital.
Et vous verrez, à la fin de ce terrible récit, miroiter une lueur d'espoir qui ne pourra que vous réconcilier avec le genre humain.
Le roman est indubitablement un récit féministe, puisqu'il dépeint, au fil des pages, les silhouettes héroïques de plusieurs femmes remarquables. Mais la démarche n'est jamais pesante ni militante, rejoignant ainsi le livre Pas si calme dont je vous parlais en introduction.
Pour le même prix, vous aurez une évocation des combats d'indépendance des irlandais contre "l'occupant" anglais, avec le personnage de Kathleen Lynn.
Alors n'hésitez pas un instant : voici, à votre portée, un sacré bouquin !
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