Le complot contre l’Amérique
Folio
Le complot contre l’Amérique
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Le pitch
Lorsque le célèbre aviateur Charles Lindbergh battit le président Roosevelt aux élections présidentielles de 1940, la peur s'empara des Juifs américains. Non seulement Lindbergh avait, clans son discours radiophonique à la nation, reproché aux juifs de pousser l'Amérique à entreprendre une guerre inutile avec l'Allemagne nazie, mais, en devenant trente-troisième président des Etats-Unis, il s'empressa de signer un pacte de non-agression avec Hitler. Alors la terreur pénétra dans les foyers juifs, notamment dans celui de la famille Roth.
Ce contexte sert de décor historique au Complot contre l'Amérique, un roman où Philip Roth, qui avait sept ans à l'époque, raconte ce que vécut et ressentit sa famille, et des millions de familles semblables dans tout le pays, lors des lourdes années où s'exerça la présidence de Lindbergh, quand les citoyens américains qui étaient aussi des juifs avaient de bonnes raisons de craindre le pire.
Mon avis
Comment aborder l'œuvre du célèbre auteur Philip Roth, lorsqu'on craint de se perdre dans un des grands romans introspectifs qui ont fait sa célébrité ?
Sans doute, par ce récit très original qui fait la part belle à la fiction historique, sans pour autant laisser de côté les thèmes récurrents de son œuvre.
Le complot contre l'Amérique est une uchronie. Un roman what if. Que serait devenu le monde si... le fleuve de notre Histoire (avec un grand H) s'était, à un moment crucial, détourné du cours que nous connaissons ?
Ici, le détour, c'est l'élection de Lindbergh en 1940, en lieu et place d'une réélection de Roosevelt à la présidence des Etats-Unis.
Et si Lindbergh, fasciste notoire (dans notre histoire réelle) avait pris le pouvoir et détouré les US de la guerre contre les puissances de l'Axe ?
L'idée d'un détournement uchronique pendant la seconde guerre mondiale est si excitant, sur le principe, qu'elle a fait l'objet de multiples romans, la plupart étant de très, très grandes réussites.
Je citerais juste ici, pour mémoire, Fatherland de Robert Harris et Le maître du haut-château, de Philip k. Dick, deux romans où l'Allemagne a gagné la seconde guerre mondiale.
Le rapprochement avec le bouquin de Dick est d'autant plus pertinent qu'il raconte comment les nazis (et les japonais) ont pris le pouvoir aux Etats-Unis.
Nous sommes ici bien loin des livres évoqués à l'instant, car Philip Roth utilise l'uchronie, non comme moteur de son scénario, mais comme toile de fond.
Le récit des soubresauts politiques et sociologiques qui agitent le pays, alors que Lindbergh décide de ne pas entrer en guerre contre les forces de l'axe, est épisodique, et n'occupe qu'une petite partie du (très) long roman.
Car, ce qui intéresse avant tout Roth, c'est - comme toujours - son nombril, et ceux de son entourage.
Comment réagirait la communauté juive de la Nouvelle Angleterre face à la menace - où à la tentation, pour certains ! - d'une menace intérieure, d'un fascisme ordinaire ?...
Ce choix narratif est, tout à la fois, la force et la faiblesse du roman.
La force, car le récit du narrateur (C'est Roth, c'est le double de l'auteur), encore enfant, déroule l'impact de cette bifurcation uchronique sur sa famille et son entourage.
De son cousin Alvin, héros et victime avant l'heure d'une guerre dans laquelle il se jette, alors que son propre pays n'est pas encore impliqué, à son frère Sandy, tenté malgré sa judéité par les mirages isolationnistes proposés par Charles Lindbergh, les juifs de New-York ne sortiront pas indemnes de la prise de pouvoir de l'extrême droite américaine.
Pire : la tante du narrateur (et son mari rabbin !) va se commettre avec le pouvoir et se retrouver impliquée jusqu'au cou au plus haut niveau dans ce "complot contre l'Amérique" !
Cet aspect du roman, qui traite du sujet avec bonheur, au ras du bitume, si je puis dire, est intelligente; elle fait réfléchir sur l'impact d'un évènement de ce genre sur les destinées individuelles.
Cependant, Philip Roth se perd souvent dans un flux inutile de détails et de péripéties qui, passée la première moitié du livre (il y a bien cent pages de trop), finit par lasser le lecteur, frustré qu'on ne parle pas plus de ce qui se passe ailleurs, hors de la famille Roth !
La force, c'est aussi le récit uchronique, largement crédible lorsqu'on connait bien, comme moi, le rapport de Lindbergh à l'Amérique, et les tendances isolationnistes du pays face à la guerre en Europe.
Mais quel dommage que Roth n'en délivre que des bouts, en pointillé !
La forme choisie par l'auteur, ce mode alternatif très marqué (c'est soit Roth, soit l'Amérique) ne m'a pas paru satisfaisant sur la longueur, entrainant de véritables frustrations.
Quel dommage, car la fin du récit historique, assez étonnant (pas de spoil !), est assez singulière pour surprendre l'amateur avisé d'uchronies.
N'hésitez surtout pas à vous plonger dans ce livre, intriguant, étonnant, stimulant ; vous en tirerez forcément quelque chose !
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