Le pitch

La vie du vieux fonctionnaire Edouard Saxberger bascule le jour où un inconnu frappe à sa porte. Un jeune poète vient lui dire son admiration et celle de ses camarades pour l'unique œuvre lyrique qu’il a publiée jadis... Ramené au souvenir de ses lointaines ambitions, grisé par ce groupe qui l'adule et l'invite à rejoindre son cercle, Saxberger oscille entre le rêve de débuter une nouvelle carrière littéraire et la tentation de retrouver la « sourde et molle quiétude » de son existence bourgeoise.

Dans ce texte inédit récemment découvert, Schnitzler fait le portrait d'un vieil homme tourmenté par l'impossible désir de rajeunir, en même temps qu'il brosse le tableau drôle et impitoyable d'un microcosme artistique plus actuel qu'il n'y paraît, où règnent la prétention, la vacuité, la mesquinerie et l'obsession de la publicité.

Mon avis

Dans la postface de ce livre, il est expliqué comment ce court roman (ou très longue nouvelle) de Schnitzler a pu rester inédit jusqu'à il y a peu.

Evènement considérable qu'un texte d'une telle dimension (150 pages tout de même !) complet, achevé par un auteur d'un telle importance, ait pu traverser plusieurs décennies, intact, sans être publié !

Mais quelle plaisir, quelle joie de lire aujourd'hui cet inédit d'un des deux plus grand auteurs autrichiens du dernier siècle et demi !

L'autre est bien entendu Stephen Zweig, dont le nom bénéficie de nos jours d'une gloire bien supérieure à celle de son aîné alors que, dans mon esprit, leur talent - immense - est équivalent.

Comme dans toutes les œuvres de Schnitzler, le lecteur retrouve dans Gloire tardive tout ce qui fait le charme absolu de ses textes.

Un style, tout d'abord, classique mais jamais désuet dans l'expression tant elle vise - et atteint ! - sans cesse à la simplicité.

Une ambiance, ensuite, cette Vienne d'il y a un siècle dont le lecteur voit défiler les lieux et les habitants comme s'il contemplait une photographie sépia d'un autre monde, d'une autre époque.

Une finesse d'analyse psychologique, enfin, chaque personne étant porté dans le roman par l'image qu'il projette sur le monde extérieur, sur les autres, mais aussi par l'ombre portée, diffuse, qu'il ne peut dissimuler à lui-même et au lecteur.

Dans Gloire Tardive, c'est tout le sujet de la gloire et de la vanité littéraire qui est traitée, avec une grande délicatesse apparente, mais avec quelle cruauté induite envers ces personnages dont la petitesse se révèle peu à peu, au fil des pages.

Vous cherchez l'intelligence en littérature ? Arthur Schnitzler en est l'un des meilleurs exemples et Gloire tardive, même si son modeste sujet ne lui permet pas d'atteindre à l'université d'autres œuvres de l'auteur, une bonne porte d'entrée.