Le pitch

Mathieu Sapin rencontre Gérard Depardieu en 2012. Il l'accompagne en Azerbaïdjan à l'occasion du tournage, pour Arte, d'un documentaire sur les traces d'Alexandre Dumas. Une relation unique se noue entre les deux artistes.

Dès lors, Gérard Depardieu va inviter Mathieu Sapin à partager son univers, ses pensées (philosophiques ou triviales), ses coups de gueule, que ce soit lors de tournages, au Portugal ou aux quatre coins de l'Europe, d'un voyage exceptionnel en Russie ou, tout simplement, d'un repas dans la cuisine de son hôtel particulier parisien.

Mon avis

[Attention, important : cette critique a été rédigée à la sortie de l'album, en 2017, bien avant les multiples scandales ayant mis en cause Gérard Depardieu au tournant des années 2023/2024]

Mathieu Sapin est un auteur qui s'est fait au cours de ces cinq dernières années un nom dans un genre un peu particulier : celui que je qualifierais de "BD documentaire".

Suivre un personnage au quotidien, écouter, noter, recueillir des informations, pour ensuite en narrer l'essentiel afin que le lecteur découvre l'envers du décor ou du personnage, selon un angle d'observation original : voilà le travail qu'il réalise, mi-reporter, mi auteur.

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Il s'est attaqué dans un premier temps à la politique, avec notamment Le château, récit couvrant le pouvoir socialiste et Hollande à l'Elysée.

J'avoue ne pas avoir accroché à l'exercice car, outre la forme, avec un dessin très, très crobardé dont je ne suis pas vraiment fan, j'ai trouvé l'ensemble sur le fond tiède et sans dynamisme (rien à voir par exemple avec l'extraordinaire Quai d'Orsay de Christophe Blain ou même avec l'essai caustique de Yasmina Reza L'aube, le soir ou la nuit).

Mais avec son "documentaire road trip" sur Gérard Depardieu,  on change de dimension. On passe à du gratiné, du lourd, du picaresque !

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Depardieu n'est pas Hollande, ce que l'auteur met d'ailleurs en perspective à plusieurs reprises dans son récit.

Personnage d'une complexité inouïe, figure tutélaire du cinéma français, talent gargantuesque - dans toutes ces dimensions - et star internationale, Gérard Depardieu est unique et mérite largement qu'on lui consacre 160 pages d'un récit graphique très dense (il y a beaucoup de textes et il faut consacrer deux bonnes heures à sa lecture).

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Dès le départ, Mathias Sapin capte parfaitement l'homme, car ses crayonnés de Depardieu sont absolument parfaits.

Mais surtout, il trouve le bon angle d'attaque : il se met en scène, minuscule silhouette à côté du monumental objet de son attention.

Comme un insecte tournant autour du prédateur, il observe, s'interroge, intervient à la marge mais de façon pertinente pour mettre en relief les absurdités et incohérences du comportement de l'acteur/entrepreneur.

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Attention : ce n'est pas un portrait à charge, pas plus qu'une hagiographie !

C'est juste une photographie de l'homme... et c'est fascinant, car l'homme est fascinant.

Tellement hors normes, tellement too much que, même si le lecteur n'est pas un fan de l'acteur, il ne peut s'empêcher de poursuivre, les yeux écarquillés devant les scènes qui se succèdent.

Même si l'ouvrage, très dense comme je l'ai dis plus haut, aurait gagné à être légèrement allégé dans sa seconde moitié, c'est une expérience à lire... Mérite le détour, sans aucun doute !