Les femmes de Brewster Place
Belfond / 10/18
Les femmes de Brewster Place
Belfond / 10/18
Le pitch
Il y a Mattie, la matriarche, Etta Mae, invincible au volant de sa Cadillac, Kiswana la révoltée, baby Cora Lee, Ciel, et les deux filles du n° 312. Toutes échouées à Brewster Place, ghetto noir du Nord des États-Unis, au coeur des 70’s. Sept femmes qui résistent – à la misère, à la violence, à l’intolérance. Sept destins, unis par un espoir farouche.
Roman culte de la littérature afro-américaine, saluant Toni Morrison et Alice Walker, ce portrait choral vibrant d’émotions brutes est une ode aux héroïnes de la marge. Magnifique.
Mon avis
Des romans sur la minorité noire américaine, il y en a des quantités.
De Toni Morrison à Kathryn Stockett (La couleur des sentiments) en passant par Edward Kelsey Moore (Les suprêmes) ou Sue Monk Kidd (L'invention des ailes), il y en a surtout une sacré tapée d'excellents, et même des chefs-d'oeuvre !
Alors, Les femmes de Brewster place ? Un de plus ? Un de trop ?
Ce grand classique de la littérature américaine publié en 1982 est quasiment inconnu en France. Grâce soit rendu aux éditions Belfond pour l'avoir mis en avant, à plusieurs reprises au cours de ces trente dernières années, car ce roman possède de grandes qualités.
Quand on parle de roman, le terme est d'ailleurs tout à fait inapproprié car l'oeuvre est en fait composée de sept nouvelles, récits attachés successivement à sept femmes qui vivent à Brewster Place, cette cité en partie coupée du reste du monde et plongée dans la misère.
En dehors du décor, chaque nouvelle est relié à une ou plusieurs autres par le lien le plus ténu qui soit, l'évocation ou la brève intervention de l'héroïne d'un autre des courts récits.
Camaïeu impressionniste d'un lieu, d'une classe sociale, d'une minorité, d'un sexe, l'oeuvre est écrite avec beaucoup de sensibilité et de finesse psychologique. C'est l'oeuvre d'une femme noire, en hommage à ses sœurs.
Vous l'avez déjà compris, vous n'aurez pas beaucoup l'occasion de vous amuser en la lisant car chaque récit est porteur d'une noirceur, d'une désespérance souvent terrible.
Mais n'hésitez pas, cela ne tourne jamais au misérabilisme, au glauque, à l'exception des deux derniers chapitres qui sont - c'est ma seule critique - véritablement datés dans leur manière de vouloir interpeller le lecteur en le choquant, en l'attrapant par le revers de la veste pour lui lancer ; "tu as vu, c'est terrible, n'est-ce pas !"
Quoiqu'il en soit, la qualité du style -d'une grande limpidité - est exceptionnelle, doublée d'une capacité à surprendre et charmer le lecteur par des raccourcis narratifs temporels particulièrement originaux (la première nouvelle, la plus longue et la plus remarquable, consacrée à Mattie, en est le meilleur exemple).
Recommandé, pour lecteurs avertis.
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