Chroniques de la haine ordinaire
Seuil
Chroniques de la haine ordinaire
Seuil
Le pitch
"Il se peut que cette chronique soit la dernière. Considérez-la comme mon testament. Ce matin, à 6 h 30, à l'heure où Phoebus darde encore ses rayons dans sa poche, on a sonné à ma porte. Ce ne pouvait pas être le laitier. Je ne bois pas de lait le matin, ça fait cailler la tequila de la veille au soir. Ce ne pouvait pas être le KGB. Je suis au mieux avec Moscou"
Cet opuscule regroupe quelques chroniques extraites d'une émission radiophonique quotidienne de Pierre Desproges sur France Inter.
Échos, portraits, rumeurs à propos d'événements qui ont marqué l'année 1986.
Mon avis
Pierre Desproges, notre maître à tous en matière d'humour littéraire distingué, genre dans lequel, 35 ans après sa mort précoce, il n'a jamais été égalé, ni même approché, n'était jamais meilleur que dans le court, le bref, là où son sens de la formule frappait fort, direct à l'estomac.
C'est pour cela que le meilleur de son oeuvre est issu de son travail à la radio, sur France Inter, et à la télévision, où il était invité à rédiger des "billets", des "chroniques".
Ce premier recueil d'une quarantaine de textes écrits au cours du premier semestre 1986, en est un exemple parfait (le second tome est au même niveau).
On y retrouve son humour cinglant, à la fois noir, cynique, et d'une tendresse affolante.
Mais aussi son sens de la formule improbable, sa façon de rapprocher des mots a priori non destinés à se retrouver côte à côte. Mais surtout son style. Mon Dieu, quel style !
Loin d'espérer vous restituer ici cette magie stylistique, voici, pris au hasard d'une de ces chroniques (L'aquaphile, du 10 avril 1986), les deux premiers paragraphes. Juste pour le plaisir :
"J'étais littéralement fou de cette femme. Pour elle, pour l'étincelance amusée de ses yeux mouillés d'intelligence aiguë, pour sa voix cassée, lourde et basse et de luxure assouvie, pour son cul furibond, pour sa culture, pour sa tendresse et pour ses mains, je me sentais jouvenceau fulgurant, prêt à soulever d'impossibles rochers pour y tailler des cathédrales où j'entrerais botté sur un irrésistible alezan fou, lui aussi.
Pour elle, aux soirs d'usure casanière où la routine alourdit les élans familiers en érodant à coeur les envies conjugales, je me voyais avec effroi quittant la mère de mes enfants, mes enfants eux-mêmes, mon chat primordial, et même la cave voûtée humide et pâle qui sent le vieux bois, le liège et le sarment brisé, ma cave indispensable et secrète où je parle à mon vin quand ma tête est malade, et qu'on n'éclaire qu'à la bougie, pour le respect frileux des traditions perdues et de la vie qui court dans les mille flacons aux noms magiques de châteaux occitans et de maisons burgondes."
À acheter, offrir et offrir encore, pour former le goût de vos proches !
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