Bartleby le scribe

Herman Melville

Folio

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Le pitch

«Une fois dans la bibliothèque, il me fallut environ deux secondes pour mettre la main sur le Bartleby de Melville. Bartleby ! Herman Melville, Bartleby, parfaitement. Qui a lu cette longue nouvelle sait de quelle terreur peut se charger le mode conditionnel. Qui la lira le saura.»

Daniel Pennac.

Mon avis

Une fois contourné le monument fabuleux, la montagne (liquide) littéraire Moby Dick, que voit poindre le lecteur à l'horizon melvinien ? Bartleby le scribe, bien entendu !

Une des œuvres les plus commentées de la littérature du XIX° siècle, et une des plus admirées. Vous allez me demander, je le sens, c'est inéluctable : cette célébrité est-elle méritée ? Et je répondrais (normal : je suis là pour ça !) : oui... et non.

Bartleby est une longue nouvelle de 100 000 signes.

Elle raconte, de manière très simple, très linéaire, et très admirable - le style d'Herman Melville est du début jusqu'à la fin d'une classicisme et d'une fluidité parfaite - l'histoire d'un éminent juriste (le narrateur) de Wall Street qui embauche, pour compléter son équipe de copistes (avec une photocopieuse, l'histoire eut été de nos jours beaucoup moins savoureuse...) un homme sans aucun signe distinctif, Bartleby.

Peu à peu, par la grâce d'une inertie à toute épreuve, Bartleby va se dégager de toutes contraintes professionnelles et, avant de se faire licencier, perturber profondément la vie de l'étude de laquelle il ne veut partir, tout autant que les certitudes de son patron, littéralement désarçonné par le comportement étrange de son employé.

Par la suite, tout cela ira fort loin, et fort mal, pour Bartleby.

Ce conte (car pour moi ce récit relève du conte) a fait phosphorer des générations de lecteurs, de moralistes, de philosophes, ces derniers tentant de décrypter sa signification, d'expliquer la métaphore de cet homme dont la seule phrase "Je ne préférais pas" (I would prefer not too) est la ligne de vie, puis de mort.

Le texte, publié en 1853, est effectivement intriguant et remarquable à plusieurs titres.

Ce qui frappe, avant tout, c'est la modernité de la démonstration, complètement en avance sur son temps. Le récit est avant tout absurde, au même titre que les textes de Kafka, soixante ans plus tard, ou des premières avancées de surréalistes entre les deux guerres.

L'autre élément étonnant est la capacité de Melville à laisser son lecteur s'empêtrer dans son récit, pour finalement le laisser désemparé, seul juge de l’interprétation de son oeuvre. Aujourd'hui encore, Bartleby reste fascinant car on ne peut être certain de ce que Melville voulut qu'il fut.

Bien. Ceci dit, après plusieurs relectures, je ne partage pas l'enthousiasme de certains (beaucoup) qui crient au chef d'oeuvre en parlant de cette nouvelle, qui porte en elle-même ses propres limites. Les exégèses hallucinantes de quelques auteurs et lecteurs m'ont fait doucement sourire : j'ai l'impression que Melville a parfaitement réussi son coup.

Un texte à lire une fois dans sa vie, pour se faire sa propre idée (qui est la seule qui vaille, de tout manière, en matière de lecture !)

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