Le pitch

"Tout le monde riait. Les Manoscrivi riaient. C'est l'image d'eux qui est restée. Jean-Lino, en chemise parme, avec ses nouvelles lunettes jaunes semi-rondes, debout derrière le canapé, empourpré par le champagne ou par l'excitation d'être en société, toutes dents exposées. Lydie, assise en dessous, jupe déployée de part et d'autre, visage penché vers la gauche et riant aux éclats. Riant sans doute du dernier rire de sa vie. Un rire que je scrute à l'infini. Un rire sans malice, sans coquetterie, que j'entends encore résonner avec son fond bêta, un rire que rien ne menace, qui ne devine rien, ne sait rien. Nous ne sommes pas prévenus de l'irrémédiable."

Mon avis

Prix Renaudot 2016, Babylone est le troisième roman de Yasmina Reza.

Yasmina Reza est une auteure dramaturge qui fait honneur au théâtre français, et je dis par ailleurs sur ce site tout le bien que je pense de la plupart de ses pièces de théâtre.

Mais son talent multiforme (elle touche un peu à tout, en incluant les essais, l'adaptation et la réalisation de films...) n'est pas homogène.

Exemple : Babylone, qui n'est pas un très bon roman. Malgré le prix Renaudot; mais là, je ne vous apprends rien : les prix ne couronnent pas, en France, que des chefs-d'oeuvre...

Donc, Babylone n'est pas très réussi. Ce n'est pas non plus une catastrophe littéraire, car Yasmina Reza a une sacrée qualité de plume, quel que soit le format de son support d'écriture.

Non, ce qui pêche, c'est son inspiration - ou son ambition, je ne sais pas - : le sujet de Babylone n'est pas très intéressant (les discussions ridicules de bobos lors d'une soirée puis un meurtre improbable dans un couple, géré ensuite par deux pieds nickelés) et l'exploitation qui en est fait rappelle trop d’œuvres antérieures de l'auteur (des médiocres qui se retrouvent dans un salon, cela rappelle un peu Art, ou Le dieu du carnage, non ?) .

Travailler sur le quotidien et la médiocrité de petits - ici, tout petits - bourgeois français pour en souligner tant la vanité que la vacuité, c'est un peu facile. Très facile.

La succession d’événements que Reza met en scène est vraiment peu crédible, et le manque de considération qu'elle accorde à son personnage principal et récitante assez antipathique.

Bref, vous l'avez deviné : je n'ai pas aimé. Même si j'ai été jusqu'au bout, car j'ai beaucoup de considération pour le talent de plume de Yasmina Reza.

A bon entendeur, salut.