Le pitch

Le monde d'hier, c'est la Vienne et l'Europe d'avant 1914, où Stefan Zweig a grandi et connu ses premiers succès d'écrivain, passionnément lu, écrit et voyagé, lié amitié avec Freud et Verhaeren, Rilke et Valéry.

Un monde de stabilité où, malgré les tensions nationalistes, la liberté de l'esprit conservait toutes ses prérogatives.

Livre nostalgique ? Assurément. Car l'écrivain exilé qui rédige ces "souvenirs d'un Européen" a vu aussi, et nous raconte, le formidable gâchis de 1914, l'écroulement des trônes, le bouleversement des idées, puis l'écrasement d'une civilisation sous l'irrésistible poussée de l'hitlérisme...

Parsemé d'anecdotes, plein de charme et de couleurs, de drames aussi, ce tableau d'un demi-siècle de l'histoire de l'Europe résume le sens d'une vie, d'un engagement d'écrivain, d'un idéal

Mon avis

Ce long récit autobiographique écrit par Stefan Zweig peu de temps avant son suicide, en 1942, alors qu'il s'est exilé en Amérique du Sud avec sa femme*, n'est pas seulement nostalgique : il est d'une profonde tristesse, d'une tristesse contagieuse !

Guidé par les souvenirs cet homme au talent si grand mais qui se retrouve, au moment où il écrit ces lignes, fondamentalement déphasé par rapport à son époque, le lecteur passe du XIX° au XX° siècle, il perçoit les tensions monter, augures de la première puis de la Seconde Guerre mondiale.

Un ouvrage indispensable pour tous les fans de Zweig, dont je fais partie, puisqu'on y retrouve la qualité formidable de sa prose.

J'ajouterais que ce récit se révèle tout de même frustrant sur un point fondamental : l'auteur accorde très peu de place à "l'autre côté du miroir", ce qui me passionne le plus dans les autobiographies d'écrivains : les détails sur la genèse de ses livres et les explications sur ses processus de création.

On sort de la lecture de ce précieux témoignage avec la tête et le cœur lourds, car l'ensemble baigne dans un flux de regrets et de nostalgie constant.

Zweig était un homme du XIX° siècle, un homme "d'avant", qui n'a jamais pu - ni même jamais cherché, c'est bien là ce qu'on peut peut-être regretter chez lui - s'adapter à la violence et au pragmatisme de la terrible première moitié du XX° (il le reconnait lui-même assez explicitement).

C'est en cela que ce récit est un véritable témoignage sur une époque et sur une mentalité désormais disparues.

Une machine à remonter le temps, en quelque sorte...

 * N'hésitez pas, si le sujet vous intéresse, à découvrir également l'album BD de Laurent Seksik et Guillaume Sorel, Les derniers jours de Stefan Zweig (ma critique est sur le site)