La moustache
P.O.L. / Folio
La moustache
P.O.L. / Folio
Le pitch
Un jour, pensant faire sourire votre femme et vos amis, vous rasez la moustache que vous portiez depuis dix ans. Personne ne le remarque ou, pire, chacun feint de ne l'avoir pas remarqué, et c'est vous qui souriez jaune. Tellement jaune que, bientôt, vous ne souriez plus du tout.
Vous insistez, on vous assure que vous n'avez jamais eu de moustache. Deviendriez-vous fou ? Voudrait-on vous le faire croire ? Ou quelque chose, dans l'ordre du monde, se serait-il détraqué à vos dépens ?
L'histoire, en tout cas, finit forcément très mal et, d'interprétations impossibles en fuite irraisonnée, ne vous laisse aucune porte de sortie. Ou bien si, une, qu'ouvrent les dernières pages et qu'il est fortement déconseillé d'emprunter pour entrer dans le livre. Vous voici prévenu.
Mon avis
Une des rares œuvres romanesques d'Emmanuel Carrère (qui abandonnera quelques années plus tard la fiction), La moustache est un roman de jeunesse d'une rare maîtrise.
Le pitch pose à la fois, le thème, le développement, et la conclusion.
Faut-il, pour autant, s'en contenter ? Non, car tout l’intérêt du livre vient de la capacité de l'auteur à vous embarquer dans la tête du personnage principal (qui n'a pas de nom) et à lui faire vivre les affres dans lesquelles il va longuement se débattre pour tenter de comprendre ce qu'il lui arrive.
Est-il en train de devenir fou, ou bien est-ce sa femme qui perd la tête ?
Avec une maestria étonnante, Emmanuel Carrère prend le lecteur part la main après lui avoir collé un bandeau sur les yeux; après l'avoir fait tourné plusieurs fois sur lui-même, lui retire le bandeau et le laisse, étourdi, désorienté, en proie aux doutes, confronté à un travail de mise en perspective qui donne un peu la nausée.
Autant vous prévenir : ce petit jeu n'est pas très agréable et, au fur et à mesure que l'histoire avance, votre sentiment de malaise va grandir jusqu'au dénouement, terrible (ce roman n'est vraiment pas pour les plus jeunes).
Une expérience suffisamment brillante, dans sa forme, pour tenter l'aventure même si, j'en suis certain, la démonstration eut grandement gagné à être écourtée : la dernière partie du roman, au bout du monde, est, à mon avis, carrément superflue.
Ce court roman (185 pages) aurait été une parfaite novella (comme disent les anglo-saxons) de 120 pages.
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