Shuggie Bain
Globe
Shuggie Bain
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Le pitch
Glasgow, années 1980, sous le règne de fer de Margaret Thatcher. Agnes Bain rêvait d'une belle maison bien à elle, d'un jardin et d'un homme qui l'aime. A la place, son dernier mari la lâche dans un quartier délabré de la ville où règnent le chômage et la pauvreté. Pour fuir l'avenir bouché, les factures qui s'empilent, la vie quotidienne en vrac, Agnes va chercher du réconfort dans l'alcool, et, l'un après l'autre, parents, amants, grands enfants, tous les siens l'abandonnent pour se sauver eux-mêmes.
Un seul s'est juré de rester, coûte que coûte, de toute la force d'âme de ses huit ans. C'est Shuggie, son dernier fils. Il lui a dit un jour : "Je t'aime, maman. Je ferai n'importe quoi pour toi". Mais Shuggie peine d'autant plus à l'aider qu'il doit se battre sur un autre front : malgré ses efforts pour paraître normal, tout le monde a remarqué qu'il n'était pas "net". Harcèlement, brimades, injures, rien ne lui est épargné par les brutes du voisinage. Agnes le protégerait si la bière n'avait pas le pouvoir d'effacer tous ceux qui vous entourent, même un fils adoré. Mais qu'est-ce qui pourrait décourager l'amour de Shuggie ?
Mon avis
A sa sortie, difficile de passer à côté de Shuggie Bain, un énorme pavé dont la très belle photo de couverture est tamponnée du très séduisant "Booker prize 2020".
Mais, même si la promesse tenue par ce prix littéraire anglais renommée se révèle, à la lecture, tout à fait justifié, je dois avertir tout de suite le lecteur potentiel : le sujet du livre et son traitement au ton d'une dureté unilatérale risquent de les perdre en route, ce qui a été mon cas.
En fait, il m'a fallu parvenir à la moitié du roman pour réaliser d'une seul coup ce que, jusqu'alors, je n'avais pas saisi : Shuggie Bain est, toutes proportions gardées (et le style en moins), le pendant XXI° siècle de L'assommoir, d'Emile Zola.
Un récit hyper (over ?) réaliste de la manière dont l'alcoolisme, poussé jusqu'au bout, peut finir par détruire, non seulement l'alcoolique lui-même, mais aussi certains membres de son entourage.
La manière dont Douglas Stuart - dont c'est le premier roman, clairement autobiographique - décrit sur une douzaine d'années la descente aux enfers d'Agnès Bain et, par ricochet - de son fils Shuggie, est effroyable.
Effroyable car minutieusement décrite, détaillée, décortiquée. Sans espoir, sans douceur, sans recul, sans rédemption, avec la peinture de la lâcheté de beaucoup.
J'avoue avoir atteint le seuil de l'overdose bien avant, la fin, comme j'avais pu aussi le faire avec L'assommoir (voir ma critique sur le site) qui n'est pas le roman le plus accompli de Zola.
Car, trop d'horreur finit par tuer la compassion. Et tout récit littéraire mérite des variations dans l'intensité, au même titre qu'un film dramatique, pour que le lecteur puisse prendre du recul et rester à un niveau d'empathie suffisant.
Reste, à côté de cela, le récit émouvant de l'amour d'un garçon pour sa mère.
Et le réconfort de savoir que Shuggie est devenu, dans la vraie vie, un homme et un professionnel de talent.
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