Le pitch

Dans cette grande fresque, les personnages représentent le bien et le mal avec leurs rapports complexes. Adam Trask, épris de calme, Charles, son demi-frère dur et violent, Cathy, la femme d’Adam, un monstre camoußé derrière sa beauté, leurs enfants, les jumeaux Caleb et Aaron.

En suivant de génération en génération les familles Trask et Hamilton, l’auteur nous raconte l’histoire de son pays, la vallée de la Salinas, en Californie du Nord.

Mon avis

John Steinbeck, écrivain majeur du XX° siècle, est avant connu pour sa capacité à écrire sur les petites gens (comme on disait dans le temps).

Ceux qui composent le peuple, ceux qui vivent en bas de l'échelle, qui affronte la misère, de manière plus ou moins courageuse, parfois drôle, parfois tragique.

Son roman le plus connu illustrant cette veine d'inspiration, c'est bien sûr Les raisons de la colère.

Mais il faut aussi citer les autres récits, plus courts, passés à la postérité, comme Tortillat flat, Des souris et des hommes, ou Rue de la sardine. Autant de grands livres qu'il faut avoir lu, au moins une fois dans sa vie.

Pourtant, aujourd'hui, avec tout le recul et l'expérience d'une vie de grand lecteur, c'est bien A l'est d'Eden que je retiendrais probablement pour illustrer le génie littéraire de Steinbeck.

A l'est d'Eden ne se situe pas, justement, exactement dans la veine extrêmement naturaliste des livres évoqués plus haut.

Car, dans ce roman foisonnant de près de 800 pages serrées qui vous tiendra en haleine pendant une quinzaine de jours, Steinbeck parle bien de son sujet préféré, les gens du peuple, mais son intention n'est pas de décrire leur vie, leurs actes.

Ce qu'il fait, c'est plonger à l'intérieur de ses personnages, pour tenter de comprendre les ressorts de leurs pulsions, les mécanismes qui régissent leur existence.

Si vous vous immergez (et vous devez le faire !) dans ce fabuleux roman, attendez-vous à suivre, pendant plusieurs décennies, une dizaine de personnages aux destins croisés.

Impossible ensuite d'oublier ensuite les membres de la famille Trask - et plus particulièrement Adam et ses deux fils, Caleb et Aaron, sans oublier Kate, leur mère, certainement un des plus effroyables personnages de l'histoire de la littérature - ainsi que ceux de la famille Hamilton, dont le formidable Sam, sans oublier Lee, un "domestique" hors du commun.

Steinbeck, dans sa langue habituelle, un style simple, une narration élégante, évidente, explore le cheminement de tous ces êtres qui sont aussi complexes que des humains en chair et en os.

Un mélange de bonté et de méchanceté, d'égoïsme et de générosité, d'intelligence et d'instincts stupides.

Tout cela, on le découvre peu à peu au travers de très longs dialogues au cours duquel les sentiments infusent, diffusent, évoluent, s'expriment ou pas.

Steinbeck, avec cet époustouflant roman psychanalytique, parvient à exprimer ce que tout écrivain rêve de faire un jour : parler de ce qui est à l'intérieur de nous, de notre corps et de notre tête.

Sam, Lee, Kate : voilà des personnages que vous ne risquez pas d'oublier un jour...

Un indispensable chef-d'œuvre, que je place haut sur les étagères de ma bibliothèque idéale.