Le pitch

"Walcott s'approcha de Jack en le regardant. Jack le toucha du poing gauche. Walcott secoua simplement la tête et accula Jack aux cordes. Il le mesura de l'oeil, envoya un très léger crochet du gauche sur le côté de la tête de Jack et tapa au corps du droit, aussi fort qu'il pouvait taper. Il avait bien dû toucher Jack à cinq pouces au-dessous de la ceinture. Je crus que les yeux de Jack allaient lui sortir des orbites. Ils jaillissaient. Sa bouche s'ouvrit.

L'arbitre retint Walcott. Jack avança d'un pas. S'il tombait, cinquante mille dollars tombaient avec lui. Il marchait comme si tous les boyaux allaient lui sortir du ventre. C'était pas trop bas, dit-il. C'est un accident."

Mon avis

Ce recueil de six nouvelles d'Ernest Hemingway n'est pas le plus connu, et il n'est sans doute également pas le meilleur, tant celles qu'il a écrite sur l'Afrique (Les neiges du Kilimandjaro) sont merveilleuses.

Ceci dit, l'ouvrage mérite tout de même un large détour, tant les thèmes développés "collent" à la personnalité, la vie et les passions de l'auteur.

Les trois premières et principales nouvelles déclinent à chaque fois la même histoire : un sportif sur le déclin va, d'une certaine manière, effectuer son dernier combat.

50 000 dollars parle de la boxe, Mon vieux des courses hippiques, L'invincible de la corrida.

Trois sports que, toute sa vie, l'auteur mettra au cœur de sa vie et de son oeuvre, ses autres textes sont là pour en témoigner.

Dans Paris est une fête, Hemingway racontait longuement ses après-midi aux courses lorsqu'il habitait Paris, Mort dans l'après-midi est un long récit consacré à la tauromachie, quand à la boxe, il la pratiqua toute sa vie au point d'avoir, sur le tard, installé un ring de boxe chez lui !

Chaque nouvelle est d'une grande tristesse car le personnage central est confronté à ses limites, son déclin, ses propres contradictions.

L'invincible, la plus longue, est aussi sans doute la mieux écrite, la plus accomplie.

Car le style d'Hemingway, avec ses phrases courses, son style un peu rugueux, s'accorde parfaitement avec le tempo saccadé du combat qu'il décrit en détails, comme si le lecteur se retrouvait au centre de l'arène, à portée des cornes du taureau.

Six nouvelles, six concentrés d'émotions et de sensations.