Le pitch

1952. Une météorite s'écrase au large de Washington, dévastant une grande partie de la côte Est des États-Unis et tuant la plupart des habitants dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Par chance, Elma York et son mari, Nathaniel, en congé dans les Poconos, échappent au cataclysme et parviennent à rejoindre une base militaire.

Elma, génie mathématique et pilote pendant la Seconde Guerre mondiale, et Nathaniel, ingénieur spatial, tentent de convaincre les militaires que la météorite n'a pu être dirigée par les Russes. Mais, ce faisant, ils découvrent que la catastrophe va dérégler le climat de manière irréversible et entraîner, à terme, l'extinction de l'humanité. Seule issue : l'espace. Une coalition internationale lance un programme spatial de grande envergure... inaccessible aux femmes. Elma compte pourtant bien y prendre part et devenir la première Lady Astronaute.

Mon avis

Vers les étoiles a recueilli en 2019 la totalité des grands prix internationaux de la SF dont les prix Locus, Nebula, Hugo.

Bon, cela n'est en rien un gage de qualité, les jurys de ces prix ont déjà démontré par le passé leur capacité à mettre en avant des romans qui n'ont pas tenu leurs promesses.

Heureusement, ce n'est pas le cas avec le premier roman de Mary Robinette Kowal (joli prénom, n'est-ce pas ?), même si, paradoxalement, Vers les étoiles n'a pas grand chose, sur le fond, avec de la SF !

En fait, (cette course) vers les étoiles a été cataloguée de cette manière car il s'agit d'une uchronie rétrotemporelle.

Vous savez, le genre d'histoire où l'on vous dit : mais que ce serait devenue l'humanité si, dans le passé, un évènement avait modifié le cours du temps ?

C'est ce qui se passe avec cet épais roman (560 pages) qui se déroule de 1952 à 1958 aux Etats-Unis, dans un pays touché par un cataclysme, une météorite géante qui s'abime au large de la côte est du pays et va, sur la durée, modifier profondément le climat de la Terre au point de la rendre inhabitable.

Ce cataclysme va tout simplement accélérer le démarrage et le cours de la conquête spatiale, l'objectif étant de permettre à l'humanité de quitter la Terre avant de s'éteindre.

En fait, donc, au départ, pas grand chose d'original, si ce n'est que les 50 premières pages du roman forment une sorte de mini roman catastrophe extrêmement bien foutu, qui accroche le lecteur par les yeux pour ne plus le lâcher.

Après, l'histoire d'Elma, héroïne et narratrice de l'histoire, est une remise en scène de l'histoire spatiale vue par les femmes.

Un récit à la trame éminemment féministe, mais dans un contexte sociologique historique conforme aux années 50 que notre civilisation a connu.

Les femmes veulent aller dans l'espace ? OK, mais il va falloir qu'elle se batte avec le contexte de l'Amérique des années 50 qui est, alors, au sommet du machisme de l'après-guerre !

Au fur et à mesure que j'avançais dans le récit, je ne pouvais m'empêcher de rapprocher cette histoire, dans le fond comme dans la forme, de trois références cinéphiles.

La première, c'est celle du film Les figures de l'ombre, sorti en 2016, qui raconte la trajectoire de ces mathématiciennes noires de la Nasa (celles qu'on appelait "les calculatrices") qui ont participé à la conquête spatiale.

Une histoire vraie qui constitue aussi la trame du roman (l'auteur évoque la coïncidence des deux entreprises en conclusion de son livre).

La seconde, c'est la série For all mankind, réalisée par Apple TV de 2019 à 2022 (elle n'est pas terminée), qui raconte une uchronie un peu différente de celle du livre : la course aux étoiles s'est poursuivie tout au long des années 60 et 70, à cause de la confrontation entre les USA et l'URSS.

La série, absolument remarquable, explique notamment comment les femmes ont alors été "embarquées" dans la conquête, au point d'en être les actrices centrales (des Lady astronautes, comme les appelle Mary R. Kowal joliment) au même titre que les hommes.

La dernière, c'est le formidable livre de Tom Wolfe, L'étoffe des héros (qui a fait aussi l'objet d'une belle adaptation au cinéma), qui raconte les débuts de la conquête de l'espace vu par les pilotes d'essai de la NASA.

Vers les étoiles est un très jolie roman, qui réussit à parler d'un sujet éminemment technique, scientifique (l'auteure s'est très largement documentée, comme on pourra le voir dans ses remerciements et la note historique figurant à la fin du volume), mais en réussissant à rester à hauteur d'hommes... et de femmes.

Les trois références que je viens d'évoquer résonne tout au long du récit, sans jamais interférer avec le plaisir de la lecture.

L'auteure parvient même à glisser une soupçon de feel good dans le déroulement des évènements (certains lecteurs s'en plaindront), ce qui est à mon avis une qualité : grâce à cela, ce Tourne Page manifeste évite la "dureté" des récits SF de hard science qui parlent généralement de la conquête spatiale.

Recommandé pour se détendre, mais aussi pour en apprendre un peu plus sur le sujet.