Widowland

C.J. Carey

Editions du masque

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Le pitch

Londres, 1953. Depuis la fin de la guerre et l’écrasante victoire allemande, le Royaume-Uni est un Protectorat administré par l’Allemagne nazie. Les femmes y sont dorénavant réparties en classes qui régulent strictement leurs droits. Heureusement pour elle, Rose Ransom fait partie de l’élite. Et, privilège s’il en est, on la charge de réécrire la littérature. Jane Austen, Charlotte Brontë ou les frères Grimm n’ont pas de secrets pour elle et, bientôt, leurs héroïnes deviendront pour les lectrices de parfaits modèles aryens.

Seulement, alors que l’arrivée à Londres du Leader est imminente, des phrases censurées réapparaissent sur les murs de la ville. Et c’est Rose que l’on envoie enquêter en plein cœur des Widowlands, ces banlieues délabrées où l’on confine les femmes insoumises ou rebuts de la société. Pourtant, Rose s’interroge : à quel point ces femmes sont-elles différentes d’elle ?

Mon avis

Widowland. Le pays des veuves. Triste et terrible titre qui ne reflète qu'imparfaitement le thème de ce roman qui est à la fois une uchronie et une dystopie. Une dyschronie, en quelque sorte, si vous me permettez ce néologisme.

Uchronie, car il s'agit d'un essai fantastique qui imagine le monde tel qu'il serait si un évènement passé ne s'était pas déroulé de la façon que notre histoire a connu. Un exercice classique du roman de SF.

Dystopie, car le monde imaginé par C.J. Carey est celui d'une société totalitaire organisée de telle façon qu'elle empêche une partie de ses membres d'atteindre le bonheur; en l'occurrence, les femmes !

Dans Widowland, la dyschronie, c'est le monde après une victoire de l'Allemagne nazie pendant la seconde guerre mondiale. Thème et hypothèse déjà exploités dans deux classiques de la SF, le très fameux Maître du haut-château, de Philip K. Dick, et dans le non moins réussi Fatherland, de Robert Harris.

Mais si le bouquin de Dick se passait dans une Amérique aux mains des nazis, et si le livre de Harris se déroulait en Allemagne, C.J. Carey a l'intelligence de situer son roman là où on l'attend le moins, en Angleterre, le pays où, dans notre histoire (celle du monde où nous vivons !), s'est construit la résistance à l'Allemagne fasciste d'Hitler.

Toute la subtilité du livre (publié dans une excellente traduction de Fabienne Gondrand) est de s'appuyer sur une très solide base historique.

Le postulat de départ ? L'auteure imagine que la fin de la seconde guerre mondiale est, non pas consécutive à une défaite des alliés, mais bien à une sorte d'accord/capitulation des anglais, avant l'entrée en guerre des américains, et avant la rupture du pacte germano-soviétique (deux évènements qui ne sont donc pas du tout survenus).

Un contexte absolument crédible, où Churchill a échoué à éveiller les consciences de la classe politique anglaise, prête à pactiser pour éviter l'affrontement. En Grande-Bretagne, ce sont bien l'aristocratie britannique, ainsi que les collabos fascistes anglais - dont le très célèbre Edward Mosley - qui ont cédé devant l'ennemi.

Tout ce sous-texte historique du roman est passionnant, très crédible (cela aurait pu vraiment se passer ainsi !), subtilement développé et mis en scène.

L'autre intérêt du livre, est la manière dont la société anglaise a, en quelques mois, basculé dans une sorte de goulag féminin où chaque femme vit dans une classe sociale en fonction de ses caractéristiques génétiques, auxquelles sont accordés des droits plus ou moins étendus.

Cette hiérarchie s'étend d'une classe supérieure où surnagent les femmes belles, parfaites, qui acceptent de vivre en esclave sexuelle de l'occupant, jusqu'au Widowland, ces bidonvilles où dépérissent les veuves, qui constituent la plèbe lie de la société.

Tout ce cadre historique et sociologique est fascinant.

En revanche, l'intrigue principale manque de rythme et de rebondissements, laissant au final un léger -mais très léger ! - goût de trop peu...

Le lecteur conquis (j'en suis un) lira donc le deuxième volume de l'histoire, actuellement mis en chantier par C.J. Carey.

N.B. : C.J. Carey est le pseudonyme de la romancière historique Jane Thynne, épouse de Philippe Kerr, l'auteur de la célèbre Trilogie berlinoise.

   

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