Les pionniers
Actes Sud
Les pionniers
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Le pitch
Ils viennent du Missouri et ont tout abandonné dans l’espoir de trouver une terre à des milliers de kilomètres de leurs foyers. Ce voyage où ils affrontent les rapides, le froid, les pluies diluviennes qui vous transpercent, la faim, constitue une suite d’épreuves exténuantes que Haycox restitue avec une ampleur, un lyrisme, une vérité inégalés. Parvenus à destination, les survivants doivent construire un nouveau monde avec ses règles, ses usages et ce malgré les rivalités, les préjugés raciaux, les barrières de classes.
Les Pionniers est l’un des très grands romans, sinon le plus grand, le plus lucide, sur la colonisation, l’apprentissage de la civilisation, avec les conflits que celle-ci entraîne entre une vision humaniste et les pulsions de violence, entre les intérêts particuliers et le sens de la collectivité. Peut-être le grand œuvre de Haycox, cet immense écrivain qu’admirait Ernest Hemingway, qui marie le souffle de l’épopée à la chaleur de l’intime, avec d’inoubliables personnages de femmes. À coup sûr son livre testament, et rien moins qu’un chef-d’œuvre de la littérature américaine.
Mon avis
Si vous vous baladez sur ce site, vous pourrez découvrir l'addiction tardive et assez violente que j'ai contractée pour Ernest Haycox en 2021.
Tardive, car ce grand auteur américain est mort en... 1950, après une courte existence (il né en 1899) !
A ma décharge, il faut bien admettre que ce forcené de l'écriture (des dizaines de romans et des centaines de nouvelles) était jusqu'à il y a peu inconnu en France.
Heureusement, grâce à Actes Sud et au réalisateur Bertrand Tavernier (qui, avant sa disparition, a signé une longue postface pour chacun des romans traduits par l'éditeur), il est maintenant possible de découvrir quatre (pour l'instant) des grands romans de ce spécialiste de la littérature historique.
Des romans d'aventure tournés vers l'ouest, le grand ouest, le far west, lorsque - au XIX° siècle et que l'Amérique du nord n'est pas encore réellement les Etats-Unis modernes - des hommes sont partis pour repousser les limites de la nouvelle frontière.
Avec Le passage du canyon et Les fugitifs de l'Alter Gulch, j'avais commencé ma découverte d'Ernest Haycox très, très fort, car ce sont deux chefs-d'œuvre que vous devrez lire absolument.
Avec Les pionniers, voici un roman posthume d'une dimension aussi épique que son sujet.
Plus de 500 pages serrées, soit plus d'un million de signes, de quoi vous occuper, comme je l'ai été, pendant de très nombreuses soirées au coin du feu ou la tête sur l'oreiller (désolé, je ne connais pas votre pratique favorite de lecture !).
Disons tout de suite : Les pionniers n'atteint pas la perfection des deux romans situés plus haut.
Sans doute, justement, à cause de ses dimensions, et de l'intention folle de l'auteur, qui était de retracer dans toute son ampleur, tout simplement, l'histoire de la création et l'installation d'une communauté de pionniers, dans le middle west.
Dès les premiers chapitres, le lecteur est embarqué dans la migration de centaines de charriots vers l'ouest.
L'auteur court d'un charriot à l'autre, évoque des dizaines et des dizaines de personnages... De quoi déconcerter le lecteur, noyé sous cette profusion de noms et de caractères.
Mais il faut s'accrocher car, passé ces premiers chapitres, les pionniers vont s'installer. Au milieu de nulle part; dans la nature.
Et c'est cette installation qu'Haycox va décrire, dans le détail. Joies et difficultés, matérielles et psychologiques.
On retrouve au fil des pages toutes les qualités d'Haycox, son style impeccable, ses riches descriptions de la nature encore vierge, mais surtout sa capacité à développer des personnages de chair et de sang, à traduire, lors de dialogues plein de sens et de non-dits, les sentiments qui s'installent entre eux.
De l'amour parfois - quel sens du récit des désirs et des attirances entre un homme et une femme ! - mais aussi parfois de la haine.
Roman d'une richesse incroyable et dont on se rappelle longtemps après avoir fermé la dernière page, Les pionniers a cependant deux légers défauts qui le situent un cran en dessous des autres titres déjà traduits.
Le premier, c'est l'absence d'arc narratif consistant : le fil conducteur, c'est la construction de la communauté, et c'est seulement un peu juste pour mener le lecteur par le bout du nez sur 500 pages.
Le second, c'est le manque de soin que l'auteur porte à son méchant. Car chez Haycox, il y a toujours au moins un méchant, souvent complexe, intelligent, ambivalent. Ici, il est juste violent et bête. On n'y croit pas une seconde.
Bien. J'attends maintenant la traduction des autres romans et nouvelles d'Haycox. Des années de plaisir de lecture en perspective !
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