Chaminou et le Khrompire
Dupuis
Chaminou et le Khrompire
Dupuis
Le pitch
Prépubliée en 1964 dans le journal Spirou, cette histoire animalière de Raymond Macherot est souvent considérée par la critique comme son chef-d'oeuvre, voire comme l'un des chefs d'oeuvre de la bande dessinée.
L'univers de Chaminou et le Khrompire est très marqué par les années soixante dont il fait une caricature parfois cynique. Chaminou, le héros, agent de la Police Secrète du Roi, est complètement dépassé par les événements d'une histoire où cannibalisme et chirurgie esthétique servent d'ingrédients à une œuvre beaucoup trop adulte pour les lecteurs de Spirou de l'époque.
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Mon avis
Si vous n'êtes pas un(e) fondu(e) de BD classique, cette fameuse BD belge dont je vous entretiens un peu partout sur ce site, il y a peu de chance que vous connaissiez Chaminou et le Khrompire.
Et pourtant... Pour les vrais amateurs, cet album de Raymond Macherot, l'auteur de nombreuses séries un peu mièvres comme Chlorophylle ou Sybilline, est son chef-d'œuvre (son chat d'oeuvre ?), et un vrai masterpiece de la BD. Belge.
Comment les éditions Dupuis, en 1965, ont-elles pu dire banco ! à un projet aussi étrange que celui de ce dessinateur (et en l'occurrence, ici scénariste) moustachu, fan de petits animaux (la plupart de ses créations met en scène de petites bêtes plus ou moins sympathiques) ?
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C'est un mystère, car Chaminou (qui restera un one shot, du moins si l'on oublie une reprise du personnage par d'autres auteurs, bien plus tard) est un OVNI dans la galaxie des gentilles séries Dupuis de l'époque.
Listons pour le plaisir les anomalies du concept :
Dès la première case, et pendant deux planches, le héros se met en scène et s'adresse directement au lecteur pour présenter l'histoire, comme s'il se trouvait sur une scène de théâtre (ou un écran de télévision), créant ainsi une distanciation narrative inédite. Car, à l'époque, personne n'agissait ainsi, à part le magasine Mad, aux Etats-Unis.
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L'album raconte, dans un pays imaginaire peuplés d'animaux qui vivent apparemment en bonne entente, les démêlés d'un chat détective avec un épouvantable monstre, le Khrompire, qui enlève ses congénères pour les dévorer.
Un cannibale animal, si je puis résumer la situation ainsi... Un vampire cannibale, dans une série Dupuis ? What the fuck ! Comment le sujet a-t-il passé les contrôles de la censure ? Mystère.
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Original de la planche 34 encrée
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Quoiqu'il en soit, l'album, dont les dessins crôôô mignons et les innombrables péripéties semblent plutôt destinées aux enfants (pas mal de slapstick et d'humour au premier et au second degré) déroule en fait une histoire assez trash plutôt écrite pour les adultes, si l'on prend le temps de réfléchir.
Toute la réussite de Macherot est dans cette ambiguïté : un épisode que les enfants peuvent regarder sans trop craindre les cauchemars (bien que certains passages de la première moitié de l'album soit carrément anxiogènes) et qui réjouira les parents, séduits par le climat un peu thriller et par l'esprit parodique (il y a des références aux thrillers d'espionnage de l'époque, comme les premiers James Bond), l'humour un peu déjanté, et un rythme effréné.
J'ajouterais - dernière anomalie - que l'album fait 60 planches et non 44, longueur alors très inhabituelle pour une BD de ce type.
Chaminou ? Une madeleine de Proust... à partager !
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