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Parfois, il m’est arrivé de m’emporter un peu sur ce site en évoquant le manque de densité et de qualité de la littérature française contemporaine. Non que je trouve le niveau des romans publiés insuffisant, car il est toujours facile (trop facile) de dire que « c’était mieux avant ».Mais tout simplement parce que la littérature française, depuis une ou deux générations, ne tiens pas la comparaison – pas du tout ! – avec ses homologues anglo-saxonnes. Allez jeter un œil sur mes articles consacrés à la littérature des Etats-Unis : quelle richesse ! Quelle diversité !
Il n’empêche que, en listant les très bons romans publiés depuis le début des années 70 – un demi-siècle me parait une bonne distance pour la notion de contemporanéité (si, si, le mot existe !) – je me suis rendu compte qu’il y avait tout de même largement de quoi remplir la bibliothèque d’un honnête amateur de littérature française !
Rien moins qu’une soixantaine de bouquins qui méritent toute votre attention, présentés par ordre chronologique décroissant. Une liste subjective et non exhaustive qui évite la plupart des grands prix littéraires (la plupart des Goncourt récents, quelle misère !), en constante évolution : come toujours, le Tourne Page, c’est du work in progress !
NB : vous trouverez dans cette liste quelques titres écrits en français par des auteurs de nationalité étrangère.
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Romans français : le meilleur de la modernité
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Le mage du Kremlin – Giulino da Empoli (2022)
Gallimard – 288 pages – 20.00 €
Le pitch : On l’appelait le « mage du Kremlin ». L’énigmatique Vadim Baranov fut metteur en scène puis producteur d’émissions de télé-réalité avant de devenir l’éminence grise de Poutine, dit le Tsar. Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre…
Ce récit nous plonge au coeur du pouvoir russe, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants. Et où Vadim, devenu le principal spin doctor du régime, transforme un pays entier en un théâtre politique, où il n’est d’autre réalité que l’accomplissement des souhaits du Tsar. Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir.
De la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, Le mage du Kremlin est le grand roman de la Russie contemporaine. Dévoilant les dessous de l’ère Poutine, il offre une sublime méditation sur le pouvoir.
Mon avis : Il n’est pas toujours facile de s’attaquer à un best seller, plusieurs mois après sa sortie. Un roman si lu, si commenté, si contesté ou porté aux nues. C’est ce que je viens de faire avec Le mage du kremlin, plus d’un an après sa sortie, Grand prix du roman de l’Académie française et près d’un demi-million d’exemplaires vendus.
Un résultat ahurissant pour le premier roman d’un essayiste et conseiller politique italo-suisse (qui écrit en français), parfaitement inconnu du grand public jusque là, un triomphe probablement en grande partie porté par l’actualité de la guerre en Ukraine.
Près de 300 pages denses plus loin, je n’ai plus le moindre doute : pour une fois, le roman qui a rencontré cet énorme succès le méritait largement !
Tous les hommes n’habitent pas le monde
de la même façon – Jean-Paul Dubois (2019)
Points – 240 pages – 7.40 €
Le pitch : Paul Hansen purge sa peine dans un pénitencier canadien.
Dans la cellule qu’il partage avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre, il se raconte sa vie. L’enfance, à Toulouse, entre un père pasteur et une mère gérante d’une salle de cinema. Son métier de superintendant à la résidence L’Excelsior, où il réparait les âmes et entretenait les bâtiments. Les moments de folle liberté dans l’aéroplane de Winona, sa compagne pilote. Et le crime qui l’a conduit en prison.
Dans cet admirable roman, on retrouve un écrivain animé par un sens aigu de la fraternité . Et par un sentiment de révolte à l’égard de toutes les injustices.
Mon avis : Vous le trouvez réussi, vous, le titre du roman de Jean-Paul Dubois ? Oui ? Tiens, étrange… pour ma part je le trouve trop long, une maxime a priori un peu bébête (tiré d’un chapitre du livre), ça ne donne vraiment pas envie…
Mais ne nous arrêtons pas à ce choix bizarre, qui n’a pas empêché l’académie Goncourt de lui décerner son grand prix en 2020 ! Car, comme tous ce qu’écrit Dubois, il s’agit d’un fort bon roman, qu’il serait dommage d’éviter juste parce qu’il a eu un grand prix littéraire (forme de snobisme que je pratique, un peu en solitaire, je l’avoue !).
Vernon Subutex (3 tomes) – Virginie Despentes (2015-2017)
Le livre de poche – 1 262 pages – 23.70 € (coffret)
Le pitch : Vernon Subutex fut un des disquaires les plus célèbres de Paris dans les années 1980, mais, à la suite de la crise du disque, il doit fermer son magasin. Dès lors, il vit des aides sociales en évitant au maximum de sortir de chez lui, passant ses journées sur internet.
Un de ses amis, Alex Bleach, célèbre chanteur de rock, l’aide de temps en temps financièrement pour payer son loyer jusqu’à ce qu’il décède brutalement. Avant de mourir, le chanteur confie à Vernon un enregistrement sonore enregistré sous l’influence de la drogue à Vernon. Vernon sera activement recherché par plusieurs personnages pour cet enregistrement.
Vernon se retrouve sans aucune source de revenu et se fait expulser de son appartement. Il décide alors de solliciter l’aide de ses anciens amis qu’il n’a pour la plupart pas vu depuis plusieurs années, prétextant n’être à Paris que « de passage » et d’avoir construit sa vie au Canada.
Mon avis : Virginie Despentes, c’est la rebelle de la littérature française, l’auteur de romans aussi sulfureux que Baise moi, Teen Spirit, King Kong théorie. Celle qui n’est pas clean, entre son passé sulfureux touchant au porno, au rock, à l’identité sexuelle et aux drogues, celle qui affiche sa différence avec un sens de la provoc’ qui, je l’avoue, ne manque pas de panache.
Avec Vernon Subutex, elle s’est lancée dans un projet extrêmement ambitieux, un roman que je croyais en deux tomes, mais qui en fera finalement trois.
Un pari difficile à tenir : mettre en scène la nébuleuse d’une série de destins, sur la scène parisienne (Paris joue un rôle essentiel dans le déroulement du roman), gravitant autour d’un personnage principal a priori peu charismatique, le fameux Vernon Subutex. Subutex ? Un patronyme qui n’est pas là par hasard, bien entendu, puisqu’il s’agit du fameux médicament destiné au sevrage des drogues dures.
Je me suis lancé dans la lecture de ce roman avec beaucoup de curiosité, attiré par son impressionnant succès, tant critique que commercial. Et je ne l’ai pas regretté, car il s’agit d’une des plus belles réussites du roman français de ces dernières années
Ecoutez nos défaites – Laurent Gaudé (2016)
Actes sud – 280 pages – 7.80 €
Le pitch : Un agent des services de renseignements français gagné par une grande lassitude est chargé de retrouver à Beyrouth un ancien membre des commandos d’élite américains soupçonné de divers trafics. Il croise le chemin d’une archéologue irakienne qui tente de sauver les trésors des musées des villes bombardées.
Les lointaines épopées de héros du passé scandent leurs parcours – le général Grant écrasant les Confédérés, Hannibal marchant sur Rome, Hailé Sélassié se dressant contre l’envahisseur fasciste…
Un roman inquiet et mélancolique qui constate l’inanité de toute conquête et proclame que seules l’humanité et la beauté valent la peine qu’on meure pour elles.
Mon avis : Laurent Gaudé, c’est définitivement ma came. Sans doute, avant tout, pour son style, qui me fait définitivement planer !
Laurent Gaudé possède, depuis son premier roman La mort du roi Tsongor, il y a maintenant quinze ans, le plus beau style de la littérature française contemporaine. Si vous me répondez que ce n’est pas difficile, je vous répondrais que je vous trouve vraiment méchant !…
Prenez le temps de lire les deux premières phrases d’Ecoutez nos défaites, celles qui composent la première page de ce roman d’une tristesse éprouvante (comme souvent chez l’auteur). Deux phrases longues, discursives, aux multiples incises, Gaudé roi et maître de la virgule, rythme lent et régulier… ça y est, vous y êtes ? N’êtes-vous pas déjà très loin, emporté par cette prose hypnotique ? Si ce n’est pas le cas, brisons-là, nous ne pourrons être amis !
Petit pays – Gaël Faye (2016)
Le livre de poche – 232 pages – 7.90 €
Le pitch : Avant, Gabriel faisait les quatre cents coups avec ses copains dans leur coin de paradis. Et puis l’harmonie familiale s’est disloquée en même temps que son « petit pays », le Burundi, ce bout d’Afrique centrale brutalement malmené par l’Histoire. Plus tard, Gabriel fait revivre un monde à jamais perdu. Les battements de coeur et les souffles coupés, les pensées profondes et les rires déployés, le parfum de citronnelle, les termites les jours d’orage, les jacarandas en fleur…
L’enfance, son infinie douceur, ses douleurs qui ne nous quittent jamais.
Mon avis : Petit pays est un petit miracle littéraire, comme il y en a un ou deux par an dans notre vie de lecteur avide de nouveautés, de découvertes, de talents.
Parti de rien, si ce n’est du flair de la maison Grasset, le court roman du jeune Gaël Faye, auteur franco-rwandais, s’est installé doucement dans le paysage français à la rentrée 2016 pour, au fil des semaines, des mois, devenir un phénomène d’édition.
Des centaines de milliers d’exemplaires vendus grâce au miracle du bouche à oreille, ce phénomène qui distingue, mieux que dans tout autre art, la renommée à une oeuvre qui sort de l’ordinaire.
En attendant Bojangles – Olivier Bourdeaut (2016)
Folio – 160 pages – 7.00 €
Le pitch : Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur « Mr Bojangles » de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis.
Celle qui donne le ton, qui mène le bal, c’est la mère, feu follet imprévisible et extravagant. C’est elle qui a adopté le quatrième membre de la famille, Mademoiselle Superfétatoire, un grand oiseau exotique qui déambule dans l’appartement. C’est elle qui n’a de cesse de les entraîner dans un tourbillon de poésie et de chimères.
Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l’inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte. L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom.
Mon avis : Comme beaucoup, en 2016, mon œil a été attiré en librairie par la couverture superbement graphique du premier roman d’Olivier Bourdeaut, avec son titre intrigant (qui fait référence à une chanson popularisée par Nina Simone, mais écrite par Bob Dylan). Et puis j’ai lu les échos dans la presse. Unanimes.
Alors, comme de surcroît cette petite plaquette (150 pages aérées) n’était pas chère, quel prétexte pouvais-je avoir pour ne pas l’acheter ?
Et je ne le regrette pas, car, comme disait ma grand-mère (qui avait le proverbe populaire facile), si les petits cochons ne le mangent pas, Olivier Bourdeaut devrait faire une belle carrière, car il a beaucoup de talent !
Au revoir là-haut – Pierre Lemaitre (2013)
Le livre de poche – 624 pages – 8.70 €
Le pitch : » Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après » Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts…
Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.
Mon avis : Prix Goncourt 2014. J’ai suffisamment râlé ces dernières années sur une série de prix Goncourt de médiocre qualité, oubliant les principes élémentaires du roman pour faire la part belle à la littérature de nombril, là où l’auteur trempe sa plume pour écrire des odes à sa propre gloire, pour ne pas saluer la décision prise par le jury présidé par Bernard Pivot : enfin un Goncourt couronnant un roman, un vrai, et un roman populaire !
A cette occasion, Pierre Lemaître sort du petit ghetto que représente toujours la littérature policière pour certains esprits germanopratins, et s’évade vers la Littérature avec un grand L.
Son grand mérite, disons-le tout net, est son ambition. Brasser l’air malsain de la première guerre mondiale, ce n’est pas facile et… pas forcement vendeur (quoique… La chambre des officiers est là pour prouver qu’un sujet difficile peut rencontrer le succès).
La passe-miroir – Les fiancées de l’hiver (2013)
Christelle Dabos
Gallimard jeunesse – 608 pages – 8.65 €
Le pitch : Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs.
Elle vit paisiblement sur l’Arche d’Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle.
À quelle fin a-t-elle été choisie ? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d’un complot mortel.
Mon avis : L’histoire de ce roman est un vrai conte de fée, dans le sens propre comme dans le sens figuré. Imaginez : Christelle Dabos, jeune auteure novice, présente son manuscrit pour postuler en 2013 au prix du premier roman jeunesse Gallimard.
Elle remporte le prix. Dans la foulée, le livre se vend un peu, beaucoup, et fini par partir comme des petits pains.
Dans les deux années qui suivent, elle sort un deuxième, puis un troisième tome de sa saga et – le bouche à oreille fonctionnant à plein – la voilà connue, reconnue, et sans doute dotée d’un petit pécule fort sympathique ! J’adore les contes de fée.
Bien. Je vous ai narré le sens figuré. Passons au sens propre. La passe-miroir (référence au roman de Marcel Aymé, bien entendu) est un roman de pure fantasy destiné – a priori – aux adolescents.
Avenue des géants – Marc Dugain (2012)
Folio – 432 pages – 8.70 €
Le pitch : Al Kenner serait un adolescent ordinaire s’il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n’était pas supérieur à celui d’Einstein.
Sa vie bascule par hasard le jour de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d’une époque qui lui échappe, il mène seul un combat désespéré contre le mal qui l’habite.
Inspiré d’un personnage réel, Avenue des Géants, récit du cheminement intérieur d’un tueur hors du commun, est aussi un hymne à la route, aux grands espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s’illusionne dans les décombres de la guerre du Vietnam.
Mon avis : Marc Dugain est un des plus grands auteurs français contemporains, même si sa production est curieusement assez inégale, alternant les œuvres superbes (La chambre des officiers, La malédiction d’Edgar) avec des romans moins achevés (Une exécution ordinaire, la trilogie de L’emprise).
Avec Avenue des géants, nous sommes clairement du côté du meilleur.
La vérité sur l’affaire Harry Quebert – Joël Dicker (2012)
Le pitch : À New York, au printemps 2008, alors que l’Amérique bruisse des prémices de l’élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d’écrire le nouveau roman qu’il doit remettre à son éditeur d’ici quelques mois.
Le délai est près d’expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d’université, Harry Quebert, l’un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l’innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l’enquête s’enfonce et il fait l’objet de menaces.
Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d’écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s’est-il passé dans le New Hampshire à l’été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ?
Mon avis : Prix Goncourt des Lycéens 2012 et Grand Prix de l’Académie française 2012. Ce double prix – a priori un grand écart entre deux publics, des plus jeunes jusqu’aux têtes chenues – est symptomatique du caractère éminemment fédérateur de ce livre qui, deux ans durant, a semé un vent de folie dans les librairies francophones.
Plus de trois millions d’exemplaires vendus à ce jour… et combien de lecteurs satisfaits ? Réponse : une immense majorité ! Ceux qui, sans relâche, participeront au succès du livre en l’achetant une fois, deux, cinq fois, pour l’offrir aux membres de leur famille (un certain Noël, c’est quatre exemplaires de ce roman que l’on retrouvera sous notre sapin !), à leurs amis, leurs compagnons de lecture, en un acte prosélyte typique du vrai lecteur, celui qui ne peut s’empêcher de partager ses émois et plaisirs littéraires avec les autres.
Ce livre fait partie de cette catégorie magique des livres qui rendent généreux, puisque vous ne pouvez pas vous empêcher de l’offrir, au même titre, par exemple, que Corps et âmes de Franck Conroy.
Michel Houellebecq – La carte et le territoire (2010)
Le pitch : Si Jed Martin, le personnage principal de ce roman, devait vous en raconter l’histoire, il évoquerait certainement Olga, une très jolie Russe rencontrée au début de sa carrière, lors d’une première exposition de son travail photographique à partir de cartes routières Michelin.
C’était avant que le succès mondial n’arrive avec la série des « métiers », ces portraits de personnalités de tous milieux (dont l’écrivain Michel Houellebecq), saisis dans l’exercice de leur profession.
L’art, l’argent, l’amour, le rapport au père, la mort, le travail, la France devenue un paradis touristique sont quelques-uns des thèmes de ce roman, résolument classique et ouvertement moderne.
Mon avis : Comme souvent, le jury Goncourt ne couronne pas un grand auteur français pour son meilleur roman.
Mais, comme toujours chez Houellebecq, énormément de « matière » et des passages formidables.
Houellebecq vous mène toujours jusqu’au bout de ses livres par le bout du nez.
Les derniers jours de nos pères – Joël Dicker (2010)
Bertrand de Fallois – 456 pages – 8.20 €
Le pitch : Londres, 1940. Soucieux de pallier l’anéantissement de l’armée britannique à Dunkerque, Winston Churchill décide de créer une branche particulière des services secrets, le Special Operations Executive (SOE). Elle lui sera directement rattachée, et chargée de mener des actions de sabotage et de renseignement à l’intérieur des lignes ennemies. Tous ses membres seront issus des populations locales pour être insoupçonnables. Du jamais vu jusqu’alors.
L’existence même du SOE a été longtemps tenue secrète. Soixante-dix ans après les faits, Les Derniers Jours de nos pères est un des premiers romans à en évoquer la création et à revenir sur les véritables relations entre la Résistance et l’Angleterre de Churchill.
Mon avis : Merci à Bertrand de Fallois, « nez » historique de l’édition française, d’avoir accordé à sa chance à Joël Dicker ! Ce jeune Suisse, qui allait devenir avec son second roman La vérité sur l’affaire Harry Quebert le plus important best-seller français de ses vingt dernières années, dévoilait avec ce premier ouvrage une partie des qualités qui allaient lui permettre d’exploser peu après.
Le premier tiers du récit (correspondant à la première des quatre parties du livre) est une vraie réussite. L’installation des nombreux personnages est faite par l’auteur, de manière fort habile, tout le long des mois de formation des jeunes recrues destinées à devenir des membres actifs des services secrets durant la guerre.
La capacité de Joël Dicker à raconter une histoire de manière simple, efficace, est déjà là, bien installée.
Le déchronologue – Stéphane Beauverger (2009)
Folio SF – 576 pages – 9.70 €
Le pitch : « Je suis le capitaine Henri Villon, et je mourrai bientôt. Non, ne ricanez pas en lisant cette sentencieuse présentation. N’est-ce pas l’ultime privilège d’un condamné d’annoncer son trépas comme il l’entend ? C’est mon droit. Et si vous ne me l’accordez pas, alors disons que je le prends ».
Ainsi débute le récit du capitaine Villon. Il lutte avec son équipage de pirates pour préserver sa liberté dans un monde déchiré par d’impitoyables perturbations temporelles. Son arme : le Déchronologue, un navire dont les canons tirent du temps.
Mon avis : J’avoue n’avoir pas toujours accordé beaucoup d’attention à la SF française. Sans doute par erreur, ou par manque de chance, faute d’avoir croisé de grands textes.
Voilà pourtant le parfait contre-exemple de cette situation : Le déchronologue est un roman absolument unique et remarquable, que je conseille à tout ceux qui, comme moi, ont longtemps cherché l’oiseau rare.
Il faut dire que Stéphane Beauverger est parvenu à croiser deux genres a priori fort éloignés : la SF et… le roman de pirates !
Imaginez un Stevenson qui aurait travaillé avec H.G. Wells, pour créer un récit hors norme, un L’île au trésor carambolé avec La machine à remonter le temps…
Le rapport de Brodeck – Philippe Claudel (2007)
Le pitch : Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache. Moi je n’ai rien fait, et lorsque j’ai su ce qui venait de se passer, j’aurais aimé ne jamais en parler, ligoter ma mémoire, la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu’elle demeure tranquille comme une fouine dans une nasse de fer. Mais les autres m’ont forcé : « Toi, tu sais écrire, m’ont-ils dit, tu as fait des études. » J’ai répondu que c’étaient de toutes petites études, des études même pas terminées d’ailleurs, et qui ne m’ont pas laissé un grand souvenir. Ils n’ont rien voulu savoir : « Tu sais écrire, tu sais les mots, et comment on les utilise, et comment aussi ils peuvent dire les choses […]. »
Mon avis : Philippe Claudel est un des plus grands écrivains français. Après le superbe et terriblement austère Les âmes grises, Prix Renaudot en 2003,
Claudel plonge dans une atmosphère aussi noire, si ce n’est plus. La terrible vérité de l’après-guerre, au sortir de la seconde guerre mondiale.
Un petit chef d’oeuvre, porté par la prose précise de l’auteur.
Gravé dans le sable – Michel Bussi (2007)
Pocket – 480 pages – 7.60 €*
Le pitch : Quel est le prix d’une vie ? La veille du Débarquement en Normandie, face à une mort certaine, que seriez-vous prêt à promettre pour échanger votre place ? Et que vaudra cette promesse, après la guerre, alors que tous les témoins seront morts ou disparus ?
Lorsqu’une jeune veuve, Alice Queen, découvre des bribes de vérité, vingt ans plus tard, que peut-elle prouver ? Alice décide pourtant de fouiller le passé et de s’engager dans une quête improbable qui va la mener de la Normandie aux quatre coins des États-Unis… Au péril de sa vie !
Accidents, disparitions, meurtres se succèdent… Autour d’elle, chacun croit connaître la vérité et semble résolu à tuer pour la protéger une sénatrice américaine inflexible, une jolie Normande en quête de vengeance, un détective privé amoureux, un tueur à gages atypique.
Mon avis : Michel Bussi figure désormais parmi les cinq plus gros gros vendeurs de livres en France, il m’a donc semblé judicieux de me pencher enfin sur son oeuvre et j’ai commencé – méthodique comme je suis ! – par son premier roman.
Gravé dans le sable est l’édition revisitée de Omaha crimes, publié il y a déjà vingt ans.
Dans sa préface, contemporaine, Bussi utilise une démarche très originale en s’excusant presque des faiblesses de ce roman « de jeunesse ». Rassurons-le tout de suite : pour un premier roman, c’est une vraie réussite, car, tout de suite, on perçoit l’originalité foncière de l’auteur.
Les yeux jaunes des crocodiles – Katherine Pancol (2006)
Le livre de poche – 672 pages – 9.40 €
Le pitch : Grand prix des maisons de la presse 2006.
Ce roman se passe à Paris. Et pourtant on y croise des crocodiles. Ce roman parle des hommes. Et des femmes. Celles que nous sommes, celles que nous voudrions être, celles que nous ne serons jamais, celles que nous deviendrons peut-être.
Ce roman est l’histoire d’un mensonge. Mais aussi une histoire d’amours, d’amitiés, de trahisons, d’argent, de rêves. Ce roman est plein de rires et de larmes. Ce roman, c’est la vie.
Mon avis : Je me souviens avoir découvert Katherine Pancol au début de sa carrière, il y a une trentaine d’années (ok, cela ne me rajeunit pas… ni elle, d’ailleurs, à la réflexion !), alors que j’étais étudiant.
Une poignée de romans publiés en une demi-douzaine d’années avait alors rencontré un véritable succès public, avec des tirages très conséquents. C’était très mérité, car la plume de Pancol était impertinente, drôle, et sa façon de traiter les sujets très anglo-saxonne (elle partira d’ailleurs s’installer peu après aux États-Unis).
Aussi, quand en 2006 Les yeux jaunes des crocodiles a explosé les compteurs (on aurait dépassé les deux millions d’exemplaires vendus ?!!), j’ai jeté un œil a priori conquis… et je n’ai pas été déçu.
Transparences – Ayerdhal (2006)
Le livre de poche – 608 pages – 7.60 €
Le pitch : Criminologue québécois qui travaille à Lyon pour Interpol, Stephen Bellanger s’ennuie dans son petit bureau à classer de vieux dossiers, jusqu’à ce qu’il tombe sur celui d’Anne X, auteur treize ans plus tôt d’un quadruple meurtre, dont celui de ses parents assassinés à coups de sabre de samouraï.
Depuis, elle a fait du chemin et une centaine de nouvelles victimes, parmi lesquelles des agents secrets et divers membres de commandos lancés à ses trousses. Comment peut-elle constamment échapper à des hommes aussi aguerris ? Pourquoi ne laisse-t-elle jamais de traces derrière elle ? On n’a même pas son portrait-robot et les caméras de surveillance semblent l’ignorer.
Mon avis : Transparences est un excellent thriller, écrit par Ayerdhal, un des meilleurs auteurs français de SF qui s’aventurait alors, pour une fois, hors de son champ littéraire de prédilection.
Ayerdhal est mort prématurément en octobre 2015 et beaucoup d’amateurs de SF française l’ont bien pleuré.
Je garde un souvenir ému de la lecture de cet épais roman (600 pages en poche) qui m’a scotché pendant les deux tiers de l’histoire (la fin est un peu moins forte).
King Kong Théorie – Virginie Despentes (2006)
Le livre de poche – 160 pages – 6.10 €
Le pitch : J’écris de chez les moches, pour les moches, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf, aussi bien que pour les hommes qui n’ont pas envie d’être protecteurs, ceux qui voudraient l’être mais ne savent pas s’y prendre, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compétitifs, ni bien membrés.
Parce que l’idéal de la femme blanche séduisante qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, je crois bien qu’il n’existe pas.
Mon avis : Si vous aimez Virginie Despentes romancière, jetez-vous sur King Kong Théorie, car cet essai est la quintessence même de ce qui constitue l’auteure. De l’extrait de Despentes, de l’extra dry. Tout le discours qui sous-tend ses romans, sans le prétexte du récit inventé.
Comment résumer la pensée de Despentes ? Difficile… Allez : imaginez une féministe punk rock (comme elle se qualifie elle-même à plusieurs reprises) qui, après avoir tout vécu (le viol, la prostitution, la drogue, le hard) et même au delà, possède suffisamment d’intelligence et de talent pour secouer le cocotier des conventions de son époque, féminisme et machisme entassés dans le même panier, et leur cracher à la figure leurs quatre vérités.
L’ensemble est, vous vous en doutez, assez surprenant (j’adore les euphémismes).
L’élégance du hérisson – Muriel Barbery (2006)
Folio – 416 pages – 9.40 €
Le pitch : « Je m’appelle Renée, j’ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j’ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l’image que l’on se fait des concierges qu’il ne viendrait à l’idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.
Je m’appelle Paloma, j’ai douze ans, j’habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c’est le bocal à poissons, la vacuité et l’ineptie de l’existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C’est pour ça que j’ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai. »
Mon avis : L’élégance du hérisson est la rencontre parfaite entre un roman charmant et un énorme succès de librairie (plus d’un million d’exemplaires venus en France, si mes souvenirs sont bons !).
C’est ce type de succès qui maintien ma foi en la littérature.
La malédiction d’Edgar – Marc Dugain (2005)
Folio – 512 pages – 9.70 €
Le pitch : «Edgar aimait le pouvoir mais il en détestait les aléas. Il aurait trouvé humiliant de devoir le remettre enjeu à intervalles réguliers devant des électeurs qui n’avaient pas le millième de sa capacité à raisonner. Et il n’admettait pas non plus que les hommes élus par ce troupeau sans éducation ni classe puissent menacer sa position qui devait être stable dans l’intérêt même du pays. Il était devenu à sa façon consul à vie.»
John Edgar Hoover, à la tête du FBI pendant près d’un demi-siècle, a imposé son ombre à tous les dirigeants américains. De 1924 à 1972, les plus grands personnages de l’histoire des États-Unis seront traqués jusque dans leur intimité par celui qui s’est érigé en garant de la morale.
Ce roman les fait revivre à travers les dialogues, les comptes rendus d’écoute et les fiches de renseignement que dévoilent sans réserve des Mémoires attribués à Clyde Toison, adjoint mais surtout amant d’Edgar. À croire que si tous sont morts aujourd’hui, aucun ne s’appartenait vraiment de son vivant.
Mon avis : Disons le tout net : si vous êtes un admirateur de Marc Dugain, un des meilleurs auteurs français contemporains (La chambre des officiers, Avenue des géants…), vous devez absolument plonger dans ce roman qui est, selon moi, son meilleur, car le plus complexe et le plus achevé.
Avec son style simple, fluide, sans afféterie (certains le trouvent fade, je ne partage pas du tout leur avis), Dugain vous prend par la main et vous emmène loin, très loin dans la découverte d’un homme d’une complexité inouïe, dépeint par son compagnon et principal collaborateur.
Si vous êtes un passionné des Etats-Unis, de la politique et de l’histoire américaine du XX° siècle, vous devez tout autant vous jeter sur ce récit qui parvient à romancer, sans jamais tomber dans les travers de l’étude biographique, un demi-siècle de la trajectoire d’un pays complexe.
La possibilité d’une île – Michel Houellebecq (2005)
J’ai lu – 446 pages – 8.00 €
Le pitch : « Roman d’anticipation autant que de mise en garde. La possibilité d’une île est aussi une réflexion sur la puissance de l’amour. Vite vient l’envie de comparer sa propre lecture à celle des autres. S’il est des livres que l’on a envie de garder pour soi, il n’en est décidément rien avec ceux de Houellebecq, comme s’ils offraient, à chaque fois, la possibilité d’une confrontation », Franck Nouchi – Le Monde.
« Ce roman vous ébranle profondément. C’est la force visionnaire d’un Aldous Huxley et la cruauté d’un Evelyn Waugh. Un taureau enragé dans le magasin de porcelaine de la fiction contemporaine », David Coward – Times Literory Supplement.
« Michel Houellebecq fait là du grand art tant son écriture est honnête, précise, crue et vraie. Au-delà des thèses sur la fin des religions ou le rêve d’un Homme Nouveau, il s’agit surtout d’un livre sur la peur », Volker Weidermann – Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung.
Mon avis : Prix Interallié 2005, La Possibilité d’une île est un livre… à part. Où ça ? Nulle part, dans les limbes.
Vous avez lu le pitch ? Comment ça, pas de pitch ? C’est pourtant ce qui figure en quatrième de couverture. Pas de résumé, d’éléments scénaristiques distillés par l’éditeur destinés à allécher le lecteur, à lui donner quelques pistes sur ce qu’il va peut-être lire, s’il achète le roman…
Sur le site de Fayard, le pitch commence par : « Le pitch ? Quel pitch ? Il est impossible d’en dévoiler un. Le quatrième roman de Michel Houellebecq, par son ampleur, ses ambitions, sa façon bien à lui de déjouer tout pronostic, échappe à cette pratique paresseuse de la critique moderne. »
Bien. Nous voilà sacrément avancé…
Le soleil des Scorta – Laurent Gaudé (2004)
J’ai lu – 256 pages – 6.10 €
Le pitch : La lignée des Scorta est née d’un viol et du péché. Maudite, méprisée, cette famille est guettée par la folie et la pauvreté. A Montepuccio, dans le sud de l’Italie, seul l’éclat de l’argent peut éclipser l’indignité d’une telle naissance. C’est en accédant à l’aisance matérielle que les Scorta pensent éloigner d’eux l’opprobre. Mais si le jugement des hommes finit par ne plus les atteindre, le destin, lui, peut encore les rattraper.
Mon avis : Deux ans après son couronnement par le Goncourt de Lycéens pour La mort du roi Tsongor, Laurent Gaudé décroche le gros lot avec son récit d’une famille, à la fin du XIX° siècle, dans un petit village des Pouilles, en Italie.
La prose de Laurent Gaudé – sans conteste la plus belle plume française actuelle – est toujours aussi somptueuse et le prix pour ce roman austère est amplement mérité.
Une vie française – Jean-Paul Dubois (2004)
Points – 408 pages – 7.90 €
Le pitch : Paul Blick, fils de correctrice et de concessionnaire Simca à Toulouse, est d’abord le fils de la Ve République. Son existence, ponctuée par la succession des hommes au pouvoir, balance entre désir de révolte, confort bourgeois et recherche d’un absolu désillusionné. Marié à la fille de son patron, papa poule puis jardinier mélancolique, Paul mène une vie à laquelle chacun peut s’identifier parce qu’inscrite dans une Histoire en marche.
Une vie française, qui subit le monde autant qu’elle le construit.
Mon avis : Le le plus grand roman de Jean-Paul Dubois, au sein d’une œuvre riche et complexe.
D’une certaine manière, de par sa volonté de balayer « toute une vie » d’un personnage, ce récit du destin d’un homme m’a fait penser au travail remarquable mené par William Boyd dans son roman A livre ouvert.
Les âmes grises – Philippe Claudel (2003)
Le livre de poche – 286 pages – 6.90 €
Le pitch : Une jeune enfant est retrouvée morte, assassinée sur les berges engourdies par le gel d’un petit cours d’eau. Nous sommes en hiver 1917. C’est la Grande Guerre. La boucherie méthodique. On ne la voit jamais mais elle est là, comme un monstre caché. Que l’on tue des fillettes, ou que des hommes meurent par milliers, il n’est rien de plus tragiquement humain.
Qui a tué Belle de Jour ? Le procureur, solitaire et glacé, le petit Breton déserteur, ou un maraudeur de passage ?
Des années plus tard, le policier qui a mené l’enquête, raconte toutes ces vies interrompues : Belle de jour, Lysia l’institutrice, le médecin des pauvres mort de faim, le calvaire du petit Breton… Il écrit avec maladresse, peur et respect. Lui aussi a son secret.
Mon avis : Prix des Lectrices de Elle 2004 et Prix Renaudot 2003.
Philippe Claudel est un des grands romanciers français contemporains. Avec Les âmes grises et Le rapport de Brodeck, il est parvenu à brosser, en deux romans, le portrait d’une France profonde du temps passé.
Une France grise, complexe, douloureuse, la France rurale d’avant le progrès, bien avant les avancées sociales du front populaire puis des trente glorieuses.
Je l’aimais – Anna Gavalda (2002)
J’ai lu – 157 pages – 6.50 €
Le pitch : A-t-on le droit de tout quitter, femme et enfants, simplement parce que l’on se rend compte – un peu tard – que l’on s’est peut-être trompé ? Adrien est parti. Chloé et leurs deux filles sont sous le choc. Le père d’Adrien apporte à la jeune femme son réconfort. À sa manière : plutôt que d’accabler son fils, il semble lui porter une certaine admiration.
Son geste est égoïste, certes, mais courageux. Lui n’en a pas été capable. Tout au long d’une émouvante confidence, il raconte à sa belle-fille comment, jadis, en voulant lâchement préserver sa vie, il a tout gâché
Mon avis : Je l’aimais est le premier roman d’Anna Gavalda et probablement le plus réussi (attention : il faut aussi lire ses nouvelles, art où elle excelle !).
Un tout petit roman, tout maigrichon (160 pages en livre de poche, annoncés par l’éditeur ? J’en compte 127 dans l’exemplaire acheté il y a un bon moment…), mais où, si l’on s’était posé des questions sur le véritable potentiel de l’auteure, on trouve tout ce qui permet de vérifier que la jeune femme possède un vrai talent.
Tout l’art d’Anna Gavalda est de mettre sur le papier, avec des mots simples, dialogués, des tas de sentiments que tout un chacun ressent ou a ressenti un jour, sans savoir comment mettre des mots dessus.
La mort du roi Tsongor – Laurent Gaudé (2002)
Actes sud – 220 pages – 6.20 €
Le pitch : Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d’un empire immense, s’apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate : c’est Troie assiégée, c’est Thèbes livrée à la haine.
Le monarque s’éteint , son plus jeune fils s’en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l’image de ce que fut le vénéré – et aussi le haïssable – roi Tsongor.*
Mon avis : Avec ce roman couvert de prix (Prix des libraires, Goncourt des lycéens), Laurent Gaudé émergea en 2002 aux yeux étonnés du grand public français, ébahi de découvrir un si grand auteur parmi les siens. Car il faut le dire : Laurent Gaudé est un immense auteur, dans une France contemporaine qui en compte bien peu.
Même s’il semble avoir parfois du mal à renouveler ses thèmes au fil de son oeuvre, La mort du roi Tsongor est certainement son plus beau roman.
Que retenir de ce livre qui ne ressemble à rien d’actuel ? Le style, avant tout. Une prose absolument somptueuse, unique en France (oui, j’insiste…) qui entraîne le lecteur en quelques pages dans un univers fantasmé, composant une sorte de geste antique où l’on retrouve une bonne partie des ressorts et les thèmes de l’Iliade.
Oscar et la dame rose – Eric-Emmanuel Schmitt ( 2002)
Le pitch : Voici les lettres adressées à Dieu par un enfant de dix ans. Elles ont été retrouvées par Maorie Rose, la dame rose qui vient lui rendre visite à l’hôpital pour enfants.
Elles décrivent douze jours de la vie d’Oscar, douze jours cocasses et poétiques, douze jours pleins de personnages drôles et émouvants. Ces douze jours seront peut-être les douze derniers.
Mais, grâce à Mamie Rose qui noue avec Oscar un très fort lien d’amour, ces douze jours deviendront légende.
Mon avis : Eric-Emmanuel Schmitt a beaucoup écrit durant sa vie (et c’est loin d’être terminé !). Dans cette production pléthorique, il y a du dispensable, du bon, et du très bon. Oscar et la dame rose fait sans conteste parmi de cette dernière catégorie.
Ce roman fait d’ailleurs partie de ses plus grands succès, et il figure désormais dans nombre de collections de « classiques » destinés aux enfants. Tout cela est mérité.
Podium – Yann Moix (2002)
Le livre de poche – 448 pages – 7.10 €
Le pitch : Entrez dans la danse ! Une longue sarabande de fous. Voici Podium, le nouveau roman de Yann Moix, qui met en scène (c’est le cas de le dire) Bernard Frédéric, un sosie free-lance de Claude François qui se produit un jour au Bricorama, un autre chez Monsieur Meuble, toujours dans des lieux qui facilitent l’accès à la consommation de masse et à la mélancolie singulière.
Dans le monde impitoyable des sosies de Cloclo, Bernard est peut-être le plus doué parce qu’il ne joue pas à être Claude François. Il est persuadé qu’il en est la réincarnation. Cloclo, c’est lui ! Grâce à lui, l’idole vit encore !
Mon avis : Surtout, ne vous fiez pas à l’adaptation cinématographique de ce roman, qui est aussi raté que traître à l’esprit du livre, alors même que c’est son auteur, Yann Moix, qui en a assuré personnellement la réalisation ! Ce récit a été écrit à l’époque où l’homme de lettres (Moix possède un vrai talent littéraire !) ne se prenait pas encore au sérieux de manière insupportable (prix littéraires, Monsieur « J’me la pète » à la télévision…).
Le roman parvient à accomplir la performance d’être à la fois d’une drôlerie fabuleuse (très rare dans le roman français) et d’une tristesse infinie (le monde et les personnages évoqués sont pathétiques).
La part de l’autre – Eric-Emmanuel Schmitt (2001)
Le livre de poche – 512 pages – 8..70 €
Le pitch : 8 octobre 1908 : Adolf Hitler recalé. Que se serait-il passé si l’École des beaux-arts de Vienne en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, cette minute-là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, flatté puis épanoui ses ambitions d’artiste ?
Cette minute-là aurait changé le cours d’une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde… «
Mon avis : Non, ne fuyez pas, ne vous laissez pas intimider par le pitch ! Non, ce n’est pas une fausse bonne idée d’imaginer, dans une forme d’uchronie, ce que serait devenu Hitler (et le monde l’entourant) si sa vie s’était déroulée autrement et que ses ambitions artistiques avaient été exaucées.
Non, ce n’est pas risqué de jouer avec un sujet aussi dangereux, pour autant qu’on maitrise l’art du roman !
Eric-Emmanuel Schmitt alterne deux récits, le premier suivant l’homme « réel » et le second « l’autre »; cet homme différend qui, grâce à l’intervention psychanalytique de Freud, a été libéré, jeune, de ses névroses, et qui peut donc vivre « autrement ».
L’homme au ventre de plomb – Jean-François Parot (2000)
10/18 – 330 pages – 7.50 €
Le pitch : Fin de l’année 1761 : la guerre de Sept Ans prend une tournure de plus en plus désastreuse, l’expulsion des jésuites est en discussion et la marquise de Pompadour vit ses derniers temps de faveur.
Nous retrouvons Nicolas Le Floch à la première des Paladins de Rameau à l’Opéra, à laquelle assiste Madame Adélaïde, une des filles de Louis XV. Durant la représentation, le comte et la comtesse de Ruissec, qui accompagnaient la princesse, sont informés du suicide de leur fils, et Nicolas suit son maître Sartine jusqu’à l’hôtel des malheureux parents, où il va faire de bien curieuses constatations.
Nicolas découvre bientôt que ces meurtres paraissent liés à un complot jésuite. Mais ne s’agit-il pas là de fausses apparences, d’une manipulation compliquée des divers partis qui s’affrontent secrètement à la Cour ?
Mon avis : L’homme au ventre de plomb (quel titre formidable !) est le deuxième roman de la série des Nicolas Le Floch.
Si vous avez lu ma critique de L’énigme des Blanc Manteaux (à ne pas manquer !), vous savez que Jean-François Parot a lancé en 2000, avec un succès quasi immédiat, une saga policière et historique dont le héros, Nicolas Le Floch, est une sorte de Maigret du XVII° siècle.
Après un premier tome un peu lent destiné à installer le décor (le Paris de Louis XV, magnifiquement décrit par l’auteur, historien de formation) et les très nombreux personnages récurrents, nous entrons véritablement dans le vif du sujet.
Métaphysique des tubes – Amélie Nothomb (2000)
Le livre de poche – 160 pages – 7.50 €
Le pitch : Jusqu’à deux ans et demi, Amélie se décrit comme un tube digestif, inerte et végétatif.
Puis vient l’évènement fondateur qui la fait chuter dans l’univers enfantin. Durant six mois s’ensuit la découverte du langage, des parents, des frères et soeurs, des nourrices japonaises, du jardin paradisiaque, des passions (le Japon et l’eau), des dégoûts (les carpes), des saisons, du temps. Tout ce qui, à partir de trois ans, constitue la personne humaine à jamais.
Car à cet âge-là, tout est joué, le bonheur comme la tragédie… Tel est le message que nous envoie ce bébé à l’oeil noir observant fixement le monde avec acuité.
Mon avis : Métaphysique des tubes est un des romans les plus réussis d’Amélie Nothomb. Cela se lit en une heure, mais c’est suffisant, car le thème est mince comme une feuille de papier à cigarette (c’est aussi la limite de ce récit).
Comme pour toutes les œuvres d’Amélie Nothomb qui dépassent le statut d’anecdote annuelle (c’est à dire tout ce qu’elle a publié avant l’an 2000), c’est un exercice de style, et l’auteure n’est jamais meilleure que quand son intelligence est sollicitée pour jongler avec des contraintes formelles.
99 francs – Frédéric Beigbeder (2000)
Le livre de poche – 288 pages – 5.90 €
Le pitch : Octave est le maître du monde. Octave exerce en effet la profession lucrative de rédacteur publicitaire : il décide aujourd’hui ce que vous allez vouloir demain. Octave est un mort-vivant, couvert d’argent, de filles et de cocaïne. Un jour, il se rebelle. Le doué Octave déjante. La cliente idéale ? « Une mongolienne de moins de cinquante ans. » Les nababs de la publicité ? « Ils mènent la troisième guerre mondiale. »
De l’île de la Jatte où négocient les patrons d’agence à Miami où l’on tourne un spot sous amphétamines, d’un séminaire en Afrique à Saint-Germain-des-Prés, de l’enfer du sexe à la pureté perdue, Frédéric Beigbeder, entre fiction et pamphlet, écrit la confession d’un enfant du millénaire.
En riant, il dénonce le mercantilisme universel. En quelque sorte, un livre moral. Pour 99 francs, seulement.
Mon avis : Ne vous laissez pas impressionner et influencer par ceux qui chuchoteront à votre oreille : « surtout, ne lis pas Beigbeder, c’est nul, superficiel, et 99 francs c’est en plus vulgaire, trash, inutilement provocateur ! ». Car, justement, 99 francs mérite vraiment le détour !
Le roman est vraiment vulgaire, trash, provocateur, mais c’est volontaire, cela part d’une démarche cohérente, assumée de l’auteur. Et le résultat est tout sauf nul : il y a plus de formules de style et d’idées dans ce bouquin que dans toute la rentrée littéraire 2020/2021/2022 (rayez la mention inutile) !
La chambre des officiers – Marc Dugain (1998)
Pocket – 170 pages – 5.50 €
Le pitch : En 1914, tout sourit à Adrien, ingénieur officier. Mais, au début de la guerre, lors d’une reconnaissance sur les bords de la Meuse, un éclat d’obus le défigure. En un instant, il est devenu un monstre, une « gueule cassée ». Adrien ne connaîtra ni l’horreur des tranchées ni la boue, le froid, la peur ou les rats. Transféré au Val-de-Grâce, il rejoint une chambre réservée aux officiers. Une pièce sans miroir où l’on ne se voit que dans le regard des autres.
Il y restera cinq ans. Cinq ans entre parenthèses. Cinq ans pour penser à l’avenir, à l’après-guerre, à Clémence qui l’a connu avec son visage d’ange. Cinq ans à nouer des amitiés déterminantes pour le reste de son existence…
Mon avis : Comme j’ai pu le dire par ailleurs, Marc Dugain est un des leaders indiscutables de la littérature française actuelle, sa seule limite tenant à la qualité variable de son inspiration. Sa prose est toujours d’une finesse et d’une subtilité rares, d’une très grande lisibilité même pour les lecteurs les plus novices (beaucoup de dialogues, des phrases simples).
Cela n’a jamais été aussi manifeste que dans ce roman, son premier, qui le projeta tardivement sur le devant de la scène (cette oeuvre a reçu de multiples prix aussi significatifs que le prix des libraires ou celui des deux magots) au tournant du siècle, alors qu’il atteignait la quarantaine.
Les jolies choses – Virginie Despentes (1998)
Le livre de poche – 320 pages – 7.70 €
Le pitch : Deux sœurs jumelles, deux personnalités opposées : Claudine et Pauline n’ont pas grandi de la même façon et les adultes qu’elles sont devenues n’ont rien pour s’entendre. L’une est rebelle et renfermée, l’autre est une pin-up ambitieuse. L’une a un talent, l’autre les dents longues. Est-il possible de réconcilier deux extrêmes que tout semble séparer ? Virginie Despentes dresse ici le portrait d’une femme écartelée entre deux choix de vie : compromission ou radicalité.
Le roman a reçu le prix de Flore en 1998 et a été porté à l’écran par Gilles Paquet-Brenner en 2001, avec Marion Cotillard et Stomy Bugsy dans les rôles titres.
Mon avis : Les jolies choses… Quel joli titre pour un récit qui risque de vous décoiffer les oreilles, pour peu que vous ne soyez pas déjà informé des ravages que la lecture d’un roman de Virginie Despentes peut provoquer sur votre capillarité auriculaire !
Les jolies choses est certainement un des titres les moins connus de la bibliographie de la grande romancière française, et pourtant, sa qualité est indiscutablement supérieure à Apocalyse bébé, pourtant Prix Renaudot.
En fait, publié en 1998 (quatre ans après Baise-moi) on y retrouve quasiment tous les ferments de ses succès ultérieurs.
La bataille + Il neigeait – Patrick Rambaud (1997 et 2000)
Le livre de poche – 2*286 pages – 2*7.40 €
Le pitch : De toutes les grandes batailles napoléoniennes, celle d’Essling n’est pas la plus connue. Elle ne fut pas, pourtant, la moins meurtrière : quarante mille morts sur les rives du Danube en deux journées de mai 1809.
La Bataille ne raconte pas une histoire, elle se déploie comme un tableau qui survole tous les mouvements stratégiques des troupes, note les accidents de terrain si importants dans l’issue du combat, brosse le portrait de quelques grandes figures de l’épopée napoléonienne, Lannes, Bessières, Masséna.
La vue d’ensemble n’exclut pas la précision du détail. Il ne manque pas une cartouchière, pas un bouton de guêtre à cette immense armée. La minutie de la reconstitution et le souffle épique qui anime ces pages en font un roman très singulier qui a obtenu le prix Goncourt.
Mon avis :Avec La bataille, Patrick Rambaud a raflé la mise en 1997. Le Goncourt et la reconnaissance du grand public. Mais aussi la révélation d’un fait évident, à la lecture de ce roman historique : Rambaud était fait pour écrire l’histoire, ou de l’histoire ! D’ailleurs, il ne fera plus que ça par la suite, avec un bonheur renouvelé.
Ce roman bref, mais dense (280 pages en format poche), est un récit romancé, minutieux – quasi journalistique, devrais-je dire – de la bataille d’Essling.
Saga – Tonino Benacquista (1997)
Folio – 440 pages – 9.40 €
Le pitch : Trois hommes, une femme, embarqués dans une drôle d’aventure : écrire le scénario d’un feuilleton télévisé destiné à occuper l’antenne pendant les heures creuses de la nuit. Peu importe l’histoire puisque personne ne la regardera, la saga n’obéit qu’à un seul critère : coûter le moins cher possible en décors, acteurs et tournage. Et les quatre scénaristes, que tout sépare, ont été recrutés pour leur seul point commun : ils n’ont pas les moyens d’être exigeants.
La rencontre des quatre auteurs va pourtant avoir des conséquences inattendues. Puisqu’ils ont toute liberté, à condition d’être économes, ils décident de se faire plaisir et se lancent dans une histoire qui non seulement aura un succès inattendu, mais transformera leur vie, et même, à certains égards, l’ordre du monde.
Mon avis : Tony Benacquista est, depuis un quart de siècle, un des meilleurs auteurs français et, peut-être, celui qui sait le mieux raconter une histoire. Il est, en quelque sorte, beaucoup plus proche de ses contemporains américains que français…
Saga développe une des idées les plus excitantes venue à l’esprit d’un écrivain ces vingt dernières années. Quel pitch !
Mais cette idée de huis clôt aurait pu déboucher sur un développement linéaire, anémique, convenu. C’est tout le contraire. Avec sa plume acérée, son sens des dialogues et son esprit caustique habituel, Benacquista ne laisse jamais retomber le soufflé.
L’amour dure trois ans – Frederic Beigbeder (1997)
Le pitch : Au début, tout est beau. Vous n’en revenez pas d’être aussi amoureux. Vous écrivez des livres là-dessus. Vous vous mariez, le plus vite possible – pourquoi réfléchir quand on est heureux ? La deuxième année, les choses commencent à changer. Vous faites l’amour de moins en moins souvent et vous croyez que ce n’est pas grave. Vous défendez le mariage devant vos amis célibataires qui ne vous reconnaissent plus. Vous-même, êtes-vous sûr de bien vous reconnaître, quand vous récitez la leçon, en vous retenant de regarder les passantes ?
La troisième année, vous regardez les passantes. Vous sortez de plus en plus souvent : ça vous évite de parler. Vient bientôt le moment où vous ne pouvez plus supporter votre épouse, puisque vous êtes tombé amoureux d’une autre. Vous commencez un nouveau livre.
Mon avis : Frederic Beigbeder suscite, depuis toujours, des réactions extrêmement diverses, souvent contradictoires, chez ses lecteurs : haine, amour… mais il ne laisse jamais ses lecteurs indifférents.
Pendant tout le début de sa carrière, jusqu’en 2000, il provoquait une majorité de commentaires désobligeants. L’amour dure trois ans fait partie de la première époque et le roman est une sorte de synthèse de ce qu’il était, et aurait pu devenir.
C’est une petite chronique désenchantée sur l’amour (le pitch, qui est le résumé du début du récit, va droit à l’essentiel) pleine de talents qui, même si elle est aussi aussi bourrée de défauts, est très attachante.
Le champ de personne – Daniel Picouly (1995)
Flammarion – 400 pages – 7.50 €
Le pitch : Comment affronter le monde quand on a dix ans, qu’on est le dernier d’une famille de douze enfants et qu’on vit dans un pavillon minuscule ? En s’inventant un monde extraordinaire, et en faisant toujours plus de bêtises, si c’est possible !
Comme oublier le vélo de maman, après l’avoir emprunté sans rien dire pour arriver fier comme un coq au Champ de personne et épater les copains qui attendent pour jouer au foot. Sauf qu’on a oublié de revenir avec, et qu’à présent, il va falloir tout dire à maman…
À dix ans, on fait des bêtises, et comme toutes les nuits le père se lève pour aller faire son mystérieux travail, on a vite fait de le transformer en héros : il n’est plus chaudronnier, il est Chaudrake et c’est bien sûr à lui que le général de Gaulle fait appel pour chaque mission importante..
Mon avis : Grand prix des lecteurs de Elle 1996.
Ce roman sur l’enfance qui a révélé Daniel Picouly, il y a vingt ans, est une petite merveille. Une alchimie parfaite qu’il ne retrouvera jamais tout à fait par la suite.
Une petite merveille d’humour (on rit énormément), de tendresse (c’est un hymne à la famille absolument formidable), de poésie.
La classe de neige – Emmanuel Carrère (1995)
Folio – 160 pages – 7.00 €
Le pitch : C’est sûr, Nicolas l’appréhendait, cette classe de neige… Quand une fois arrivé à la montagne il s’aperçoit qu’il n’a pas sa valise, il n’est pas loin de penser que ses pires cauchemars vont se réaliser.
Pourtant, ce que ce séjour avec ses camarades lui réserve, ce garçon à l’imagination débordante n’aurait jamais pu l’envisager. A croire que tous les sortilèges de la littérature se sont donné rendez-vous dans le chalet.
Ecrite à «hauteur d’enfant» pour mieux dévoiler l’horreur des adultes, cette oeuvre à la construction millimétrée et au suspens haletant n’en finit pas d’interroger le lecteur : l’ultime question du roman – «Que sera la vie de Nicolas ?» – le poursuit bien après qu’il a refermé le livre
Mon avis : Prix Femina 1995, ce bref récit, qui est le dernier roman d’Emanuel Carrère (qui se détournera par la suite de la fiction stricto sensu), a en une vingtaine d’années quasiment acquis le statut de petit classique de la littérature française. Est-ce mérité ? Sans conteste, oui.
Un petit classique. Pas un immense chef d’oeuvre, mais un roman solide, écrit par un auteur dont le talent transparaît à toutes les pages. Petit par la taille, puisqu’il faut moins de 150 pages pour traverser cette courte parenthèse de la vie d’un jeune enfant dont le destin, le temps d’une semaine loin de chez lui, pour la première fois, va basculer.
Toute la maîtrise d’Emmanuel Carrère tient dans sa capacité à plonger son lecteur dans la tête d’un enfant de dix ans.
Comme un roman – Daniel Pennac (1992)
Folio – 197 pages – 6.50 €*
Le pitch : Un prof peut-il conseiller à ses élèves de sauter les pages d’un livre, de ne pas finir un roman et même de ne pas lire ? Oui, si c’est le seul moyen pour les faire entrer dans le monde magique des livres.
C’est en tout cas le parti pris de Daniel Pennac : auteur à succès, il est aussi professeur de français, et il a bien compris qu’il ne sert à rien de vouloir forcer les élèves : si on leur donne le droit de sauter les premières pages de description du Père Goriot de Balzac, on leur laisse une chance de se laisser envoûter par Rastignac.
Redonner aux lecteurs un accès aux textes , rendre aux textes leur pouvoir de fascination, de subversion, de magie : tel est le credo de ce traité de lecture, qui est en fait un véritable traité d’humanisme. Et qui se lit, bien sûr, « comme un roman »
Mon avis : Attention ! Attention ! Ce livre est fondamental ! Je le considère tout simplement comme le meilleur essai sur la lecture jamais écrit (s’il y en a d’autres de ce niveau, je vous remercie de me les signaler !).
Il est rare, au cours d’une vie, d’entrer en empathie totale avec un texte, c’est pourtant ce qui m’est arrivé avec Comme un roman. Je suis sorti de sa lecture en me disant que j’avais trouvé en Daniel Pennac un frère, un frère de lecture ; il n’y a pas de fraternité plus forte que celle de la lecture, sa solidité va parfois bien au-delà de la fraternité biologique !
Je me suis dit que j’aurais pu écrire ce livre de la première à la dernière ligne, quasiment sans en changer un mot…
Hygiène de l’assassin – Amélie Nothomb (1992)
Le livre de poche – 224 pages – 5.70 €
Le pitch : Prétextat Tach, prix Nobel de littérature, n’a plus que deux mois à vivre. Des journalistes du monde entier sollicitent des interviews de l’écrivain que sa misanthropie tient reclus depuis des années.
Quatre seulement vont le rencontrer, dont il se jouera selon une dialectique où la mauvaise foi et la logique se télescopent.
La cinquième lui tiendra tête, il se prendra au jeu.
Mon avis : « Amélie Nothomb : quel dommage ! » aurais-je tendance à dire en relisant ce roman, son premier, et son meilleur.
Publié alors qu’elle n’avait que 25 ans, il étale toute l’intelligence fulgurante de l’auteure qui s’est, par la suite, laissé aller peu à peu à la facilité pour en arriver à… quelque chose de bien triste.
Ici, c’est un feu d’artifice de dialogues brillants, saupoudrés d’une culture générale impressionnante, un vrai plaisir intellectuel.
Un long dimanche de fiançailles – Sébastien Japrisot (1991)
Folio – 374 pages – 8.50 €
Le pitch : Cinq soldats français condamnés à mort en conseil de guerre, aux bras liés dans le dos. Cinq soldats qu’on a jetés dans la neige de Picardie, un soir de janvier 1917, devant la tranchée ennemie, pour qu’on les tue. Toute une nuit et tout un jour, ils ont tenté de survivre. Le plus jeune était un Bleuet, il n’avait pas vingt ans.
À l’autre bout de la France, la paix venue, Mathilde veut savoir la vérité sur cette ignominie. Elle a vingt ans elle aussi, elle est plus désarmée que quiconque, mais elle aimait le Bleuet d’un amour à l’épreuve de tout, elle va se battre pour le retrouver, mort ou vivant, dans le labyrinthe où elle l’a perdu.
Mon avis : Prix Interallié 1991.
Sébastien Japrisot est un auteur qui aura toujours vécu entre deux mondes. c’est avec Un long dimanche de fiançailles qu’il est parvenu pour une fois à concilier le tout, et qu’il en a été récompensé de la meilleure façon : succès critique, récompense prestigieuse et gros tirage, adaptation au cinéma tout aussi appréciée; et tout cela est vraiment mérité.
Sur un sujet grave, les « veuves blanches » de la Première guerre mondiale (repris, par exemple, par le film La vie et rien d’autres, de Bertrand Tavernier), Sébastien Japrisot construit l’histoire d’un destin, celui d’une femme admirable qui, sans faiblir, cherche pendant des années l’homme que la guerre lui a prit.
Les fourmis – Bernard Werber (1991)
Le livre de poche – 320 pages – 7.70 €
Le pitch : Le temps que vous lisiez ces lignes, sept cents millions de fourmis seront nées sur la planète. Sept cents millions d’individus dans une communauté estimée à un milliard de milliards, et qui a ses villes, sa hiérarchie, ses colonies, son langage, sa production industrielle, ses esclaves, ses mercenaires… Ses armes aussi. Terriblement destructrices.
Lorsqu’il entre dans la cave de la maison léguée par un vieil oncle entomologiste, Jonathan Wells est loin de se douter qu’il va à leur rencontre. A sa suite, nous allons découvrir le monde fabuleusement riche, monstrueux et fascinant de ces «infraterrestres», au fil d’un thriller unique en son genre, où le suspense et l’horreur reposent à chaque page sur les données scientifiques les plus rigoureuses.
Mon avis : Premier roman de Bernard Werber paru il y a déjà trente ans, Les fourmis fut un succès phénoménal, tant critique que commercial.
Ce succès était absolument mérité, l’ouvrage étant un modèle pédagogique de vulgarisation romanesque passionnante sur un sujet pourtant a priori assez rébarbatif.
Bernard Werber doublera la mise deux ans plus tard avec Le jour des fourmis… volume tout aussi réussi (le dernier tome qui clôt la trilogie est un gros cran en dessous)
Tous les matins du monde – Pascal Quignard (1991)
Folio – 116 pages – 6.80 €
Le pitch : « Il poussa la porte qui donnait sur la balustrade et le jardin de derrière et il vit soudain l’ombre de sa femme morte qui se tenait à ses côtés. Ils marchèrent sur la pelouse.
Il se prit de nouveau à pleurer doucement. Ils allèrent jusqu’à la barque. L’ombre de Madame de Sainte Colombe monta dans la barque blanche tandis qu’il en retenait le bord et la maintenait près de la rive. Elle avait retroussé sa robe pour poser le pied sur le plancher humide de la barque. Il se redressa. Les larmes glissaient sur ses joues. Il murmura :
– Je ne sais comment dire : Douze ans ont passé mais les draps de notre lit ne sont pas encore froids. »
Mon avis : Pascal Quignard, prix Goncourt 2002 pour Les ombres errantes, est un des auteurs français majeurs des trente dernières années. Même si, aujourd’hui, on ne parle quasiment plus de lui (ou en tous cas, pas assez !) et même si son activité n’a pas cessé, loin de là (son dernier roman, Les larmes, est sorti à la rentrée 2016). Quel dommage !
Si vous devez commencer par une oeuvre, je vous conseille d’entrer par la porte de Tous les matins du monde, ce merveilleux petit (en taille!) roman qui, en 1991, lui assura une audience nationale, après l’essai réussi de Les escaliers de Chambord. Il faut dire que l’adaptation au cinéma par Alain Corneau y fit beaucoup, puisqu’elle permit de populariser auprès du plus grand nombre la viole de gambe et les grands compositeurs qui y furent attachés.
Plongez vous dans ce petit opuscule comme si vous plongiez dans un bain d’eau fraîche, au printemps, un casque sur les oreilles pour écouter une pièce de musique de chambre du XVII°. Détente, relaxation.
Les champs d’honneur – Jean Rouaud (1989)
Editions de minuit – 190 pages – 7.00 €
Le pitch : Ils sont morts à quelques semaines d’intervalle : d’abord le père, puis la vieille tante de celui-ci, enfin le grand-père maternel.
Mais cette série funèbre semble n’avoir fait qu’un seul disparu : le narrateur, dont le vide occupe le centre du récit. C’est à la périphérie et à partir d’infimes indices (un dentier, quelques photos, une image pieuse) que se constitue peu à peu une histoire, qui finira par atteindre, par strates successives, l’horizon de l’Histoire majuscule avec sa Grande Guerre, berceau de tous les mystères.
Mon avis : Un prix Goncourt surprise, en 1990, pour le premier roman d’un vendeur de journaux (expérience qu’il racontera ultérieurement dans Le kiosque)… et un vrai petit chef d’oeuvre.
A sa sortie, la critique unanime et les lecteurs – dont je faisais partie ! – ont été saisi par la qualité absolument remarquable du style de l’auteur et, porté par le bouche à oreille, il s’en est vendu plus de 500 000 exemplaires !
C’est un roman avec une forte inspiration autobiographique.
L’étudiant étranger – Philippe Labro (1986)
Folio – 280 pages – 9.40 €
Le pitch : Invité par une prestigieuse université de Virginie, un jeune Français découvre émerveillé la vie dorée des college boys, leurs équipes sportives, leur campus dans une vallée paradisiaque.
C’est le temps d’une Amérique sage, celle d’avant l’explosion des moeurs et le fracas des années soixante. Très vite, le jeune homme comprend qu’il reste un « étudiant étranger ». Il va franchir des lignes, transgresser des tabous, sans même s’en rendre compte : d’abord en faisant l’amour avec une jeune institutrice noire, April. Ensuite en tombant amoureux d’une héritière de Boston, Élisabeth, personnage fantasque et corrosif… .
Mon avis : Philippe Labro est à la base un journaliste excellent et respecté, mais aussi un réalisateur à succès des années 80 un peu oublié aujourd’hui (même si l’esthétique de ses films est très datée et a beaucoup vieilli, plusieurs de ses films méritent d’être visionner à nouveau).
Sa « percée » en tant que romancier, à la même époque, en a fait un auteur respecté (Prix interallié 1986 pour ce roman) et un gros vendeur.
C’est dans L’étudiant étranger puis dans Un été dans l’ouest, deux ans plus tard, qu’il donne à mon avis toute la dimension de son talent littéraire et le meilleur de son oeuvre.
Yann Queffelec – Les noces barbares (1985)
Folio – 343 pages – 8.50 €
Le pitch : Fruit d’une alliance barbare et d’un grand amour déçu, Ludovic, enfant haï par sa trop jeune mère – Nicole – et ses grands-parents, vit ses premières années caché dans un grenier. La situation ne s’arrange guère après le mariage de Nicole avec Micho, brave et riche mécanicien qui cherche à protéger Ludovic. Hantée par ses amours brisées, sombrant dans l’alcoolisme et méprisant son mari, la jeune femme fait enfermer son fils dans une institution pour débiles légers.
Mais Ludovic n’est pas l’arriéré qu’on veut faire de lui. Il ne cesse de rêver à sa mère qu’il adore et qu’il redoute. Même une première expérience amoureuse ne parvient pas à l’en détourner. Son seul but, son unique lumière : la retrouver. S’enfuyant un soir de Noël, il trouve refuge sur la côte bordelaise, à bord d’une épave échouée, écrit chez lui des lettres enflammées qui restent sans réponse. Et c’est là-bas, sur le bateau dont il a fait sa maison, que va se produire entre Nicole et son fils une scène poignante de re-connaissance mutuelle – qui est aussi le dernier épisode de leurs noces barbares.
Mon avis : C’est avec ce roman que Yann Queffelec fut révélé au grand public. Trente ans plus tard, il est toujours là, avec une oeuvre dense et exigeante.
Attention : les noces barbares, l’histoire d’un enfant qui vit une enfance dramatique, est une oeuvre dure, tragique, mais magnifique.
Un petit bijou d’écriture. A lire absolument !*
L’allée du roi – Françoise Chandernagor (1981)
Folio – 850 pages – 9.40 €
Le pitch : » Je ne mets point de borne à mes désirs « , disait celle qui fut presque reine de France…
De sa naissance dans la prison de Niort à sa mort dans la douce retraite de Saint-Cyr, de l’obscure pauvreté de son enfance antillaise à la magnificence de la Cour, de la couche d’un poète infirme à celle du Roi-Soleil, de la compagnie joyeuse de Ninon de Lenclos et de ses amants au parti pris de dévotion de l’âge mûr, quel roman que cette vie !
À partir d’une documentation considérable et en recourant aux écrits, souvent inédits, de la marquise de Maintenon, Françoise Chandernagor a su restituer, à travers des » mémoires apocryphes » qui ont la séduction de la langue du XVIIe siècle, le vrai visage d’une femme méconnue, témoin sans pareil d’une époque fascinante.
Mon avis : Si L’allée du roi est considéré aujourd’hui comme un classique de la littérature historique, on a tendance à oublier à quel point, au début des années 80, l’ouvrage fut un énorme événement littéraire.
Cette autobiographie apocryphe de Madame de Maintenon – pas forcement le sujet le plus porteur – écrite par une auteure (major de l’ENA) alors parfaitement inconnue, demeura plusieurs années en tête des ventes et s’écoula à plus d’un million d’exemplaires, portée par la critique professionnelle et par le bouche à oreille des lecteurs.
Plus de trente ans plus tard, à ma troisième lecture, il n’y a pour moi aucun doute : ce « roman » est un tour de force littéraire et historique, l’exemple parfait d’un récit de vulgarisation transformé en « livre pour tous », doublé (par moment) d’un Tourne Page !
La compagnie des glaces – G.J. Arnaud (1980-1992)
French Pulp – >10 000 pages – 8.50 €
Le pitch : Une nouvelle ère glaciaire s’est abattue sur la terre. La planète toute entière est recouverte d’une épaisse couche de glace. Heureusement, les Compagnies ferroviaires ont développé un immense réseau de voies ferrées, sur lesquelles se presse ce qu’il reste d’une humanité frigorifiée… et soumise.
Pour ne pas perdre leurs pouvoirs, les Compagnies interdisent tout progrès qui permettrait à l’humanité de se passer du rail. Et malheur à ceux qui, comme Lien Rag, tentent de défier leur autorité ! Pourchassé par les Compagnie, encerclé par une nature hostile, il est pourtant bien décidé à libérer l’humanité de l’existence misérable dans laquelle elle est maintenue…
Une saga indémodable qui a déjà conquis plusieurs générations de lecteur.
Mon avis : La compagne des glaces… tant de souvenirs et d’impression me remontent en mémoire à la simple lecture de ces quatre mots…
Si je vous parle de cette immense saga, aujourd’hui, au travers de la fiche du premier volume de la réédition de son intégrale, c’est pour vous faire partager une aventure unique et vous inciter à la vivre à votre tour, comme des centaines de milliers d’amateurs de science-fiction.
Imaginez un auteur de romans populaires – dans son sens le plus large – célèbre, polygraphe avéré (il dépassera les 400 romans [!!] écrits au cours de sa longue vie commencée en 1928, et qui n’est pas achevée à l’heure où j’écris ces lignes), qui entame en 1980 aux Editions Fleuve Noir une saga de SF.
Affaires étrangères – Jean-Marc Roberts (1979)
Points – 240 pages – 7.40 €
Le pitch : Tout abandonner, l’amour de Nina, les soirées entre amis, la famille , ou plutôt s’éloigner, pas à pas, mais inexorablement : voici l’étrange destin de Louis Coline, jeune cadre dans les magasins de l’avenue de l’Opéra.
Un destin scellé à son insu depuis le jour où il a fait la connaissance de son nouveau directeur, Bertrand Malair. Bien des rumeurs courent sur cet homme énigmatique, continuellement flanqué de ses deux acolytes, Lingre et Belais. On dit qu’il transforme ses collaborateurs en esclaves, qu’il s’entoure de personnages singuliers.
Louis ne résistera pas à cette séduction faite de confiance, d’encouragements, de jeux pervers sur la jalousie et la rivalité. Grisé, il va s’abandonner, au risque de se perdre.
Mon avis : Prix Renaudot 1979, ce roman est le plus marquant de l’oeuvre de Jean-Marc Roberts. Auteur français important disparu prématurément en 2013, il restera dans les mémoires, paradoxalement, plus pour son action dans l’édition (il fut patron au Seuil et chez Stock, notamment) que comme écrivain, alors que son talent était impressionnant.
Lisez Affaires étrangères, écrit alors qu’il n’avait que 25 ans, et vous comprendrez ce que je veux dire : un style d’une grande simplicité, une épure, phrases courtes, pas d’adverbes, peu d’adjectifs, avec la capacité de mettre en place des atmosphères très prenantes.
E=mc², mon amour – Patrick Cauvain (1977)
Le livre de poche – 185 pages – 6.70 €
Le pitch : » Lui un peu voyou, elle un peu bêcheuse, ces deux bambins qui totalisent moins de vingt-trois printemps vont se rencontrer, se flairer, se reconnaître et vivre dans l’incompréhension générale ce qu’il est légitime d’appeler un grand amour.
J’aime dans le roman de Patrick Cauvin – outre toutes les qualités de fraîcheur, de légèreté, d’invention qu’il faut pour faire l’enfant sans faire la bête – j’aime ce qu’il dit sans avoir l’air d’y toucher et qui va beaucoup plus loin que son joli récit. » – François Nourissier
Mon avis : E=mc² Mon amour (quel joli titre !) est un des deux romans les plus connus de l’auteur (avec Monsieur Papa). Vendu par wagons entiers à sa sortie, en 1977, adapté par les américains au cinéma, ce petit volume est parfaitement emblématique du style, de l’ambiance et des thèmes développés par Patrick Cauvin.
L’histoire ? Toute bête : deux gamins de onze ans, Daniel, un petit français des banlieues et Lauren, une américaine du XVI°, se rencontrent fortuitement et vont tomber amoureux l’un de l’autre et iront jusqu’à une escapade à Venise pour vivre leur passion, sous l’auspice affectueuse d’un vieil homme original qu’ils ont rencontré entre temps.
Il est passionné de cinéma américain, elle adore la littérature classique. Particularité : ils sont tous les deux surdoués (même si Daniel est bien obligé d’avouer à un moment que Lauren est encore plus intelligente que lui !).
Le style de Patrick Cauvin, c’est avant tout sa capacité à faire parler les gens (et plus particulièrement les enfants, qu’il adore) comme dans la vraie vie. Un style direct, à la première personne (les chapitres alternent les récits de Daniel et Lauren), d’une fraîcheur et d’une drôlerie dont je ne vois qu’un exemple comparable dans la littérature française : René Goscinny, dans Le petit Nicolas.
Mon Papa – Patrick Cauvain (1976)
Le livre de poche – 155 pages – 5.20 €
Le pitch : Franck Lanier avait tout arrangé pour les vacances. Il casait son fils chez son ex-femme et lui filait à Bangkok. Mais son petit garçon, Laurent, n’est pas du tout d’accord. Il veut, lui aussi, partir pour Bangkok.
Tous les moyens seront bons pour parvenir à ses fins, des plus drôles aux plus désespérés et des aventures peu banales se succèdent dans une vie quotidienne pleine de tendresse entre le père et le fils.
Mon avis : Monsieur Papa est un des deux romans les plus connus de Patrick Cauvain (avec E=mc² Mon amour). Comme ce dernier, il s’en est vendu par centaine de milliers d’exemplaires et a été adapté au cinéma.
Dans ce ce court roman on retrouve tout ce qui faisait le charme des feel good books (avant l’heure !) de Patrick Cauvin.
Tout d’abord, sa capacité à faire parler les gens (et plus particulièrement les enfants, qu’il adore) comme dans la vraie vie. Un style direct, à la première personne, d’une fraîcheur et d’une drôlerie dont je ne vois qu’un exemple comparable dans la littérature française : René Goscinny, dans Le petit Nicolas.
Emile Ajar/Romain Gary – La vie devant soi (1975)
Gallimard – 274 pages – 8.20 €
Le pitch : Entre Madame Rosa et Momo, c’est un amour maternel qui ne passerait pas les liens du sang, c’est l’amitié entre les peuples juif et arabe, c’est le poids de l’Histoire allégé par l’appétit de vivre.
Le roman se passe à Belleville, vingtième arrondissement de Paris, sixième étage sans ascenseur. Momo a dix ans, peut-être quatorze en réalité. Cela fait beaucoup de chiffres pour un môme qui réinvente le dictionnaire et a le sens de la maxime : « Je pense que pour vivre, il faut s’y prendre très jeune, parce qu’après on perd toute sa valeur et personne ne vous fera de cadeaux. »
Mon avis : Eh oui, Romain Gary a dupé le jury Goncourt en présentant son roman sous un pseudonyme ! Cela lui permettra d’être couronné une deuxième fois dans sa carrière, contre le règlement, après Les racines du ciel en 1956.
Ce récit minimaliste et chaleureux d’une vieille dame, ancienne prostituée, et de Momo, son petit protégé, est une petite merveille, par un des plus grands auteurs français de l’après-guerre.
Les hommes protégés – Robert Merle (1974)
Folio – 448 pages – 8.50 €
Le pitch : A la suite d’une épidémie d’encéphalite qui ne frappe que les hommes, les femmes les remplacent dans leurs rôles sociaux, et c’est une Présidente, Sarah Bedford, féministe dure, qui s’installe à la Maison-Blanche. Le Dr. Martinelli, qui recherche un vaccin contre l’encéphalite, est enfermé avec d’autres savants à Blueville, dans une « zone protégée » qui les tient à l’abri de l’épidémie mais dans un climat de brimades, d’humiliations et d’angoisse. Martinelli acquiert vite la conviction que son vaccin ne sera pas utilisé, du moins sous l’Administration Bedford.
C’est paradoxalement chez les femmes qu’il trouvera ses alliées les plus sûres et par les femmes qu’il sera libéré. Mais, une fois Bedford remplacée à la Maison-Blanche par une féministe modérée, Martinelli saura-t-il s’adapter à une société où les hommes ne jouent plus qu’un rôle subalterne ?
Mon avis : Robert Merle ? Plus les années passent, plus il parait évident que l’homme restera comme un des auteurs français marquants du XX° siècle.
A côté de son roman de SF le plus connu (Malevil, un petit chef-d’oeuvre), il ne faut pas oublier de lire Les hommes protégés, tant son sujet reste d’actualité. Les hommes protégés est une pure dystopie, à placer au côté du terrible roman Le pouvoir, de Naomi Alderman.
Dans les deux récits, ce sont les femmes qui dominent le monde. Dans Le pouvoir, les femmes dominent les hommes – et abusent de leur position dominante, de manière dramatique – grâce à un pouvoir qui s’est développé uniquement chez elles. Dans Les hommes protégés, c’est un virus qui ne touche que les hommes qui a les a décimées.
Un taxi mauve – Michel Déon (1973)
Folio – 448 pages – 8.40 €
Le pitch : Le narrateur, qui mène une vie retirée dans la campagne irlandaise, y fait d’étranges rencontres.
D’abord, quelques descendants de la famille Kean, Irlandais qui ont fait fortune en Amérique. Ils sont deux frères et deux soeurs : le gentil Jerry, qui a trop fumé l’opium à New York et que l’on a envoyé se mettre au vert en Erin, Sharon, au charme acide d’éphèbe, qui est devenue princesse en achetant un château allemand et son châtelain , Moira, très grande vedette de cinéma, suivie de sa cour de pédérastes et d’alcooliques, enfin Terence, que l’on ne verra que sur un écran de télévision, car il est cosmonaute et va débarquer sur la Lune.
Mon avis : Grand prix de l’Académie française en 1973. Si j’étais un vieux gâteux ronchon, je prendrais une voix chevrotante et je vous dirais : « Ah, mon bon monsieur, des auteurs comme Michel Déon, en France, on en fait plus des pareils, on a cassé le moule ! ». Je ne suis ni vieux, ni ronchon, mais je vous le dis quand même : Michel Déon, qui nous a quitté en 2016, était unique et grâce lui soit rendu.
Un taxi mauve, au même titre que Les poneys sauvages et Le jeune homme vert, est un des sommets de son œuvre romanesque.
Malevil – Robert Merle (1972)
Folio – 635 pages – 10.00 €
Le pitch : Une guerre atomique dévaste la planète, et dans la France détruite un groupe de survivants s’organise en communauté sédentaire derrière les remparts d’une forteresse.
Le groupe arrivera-t-il à surmonter les dangers qui naissent chaque jour de sa situation, de l’indiscipline de ses membres, de leurs différences idéologiques, et surtout des bandes armées qui convoitent leurs réserves et leur «nid crénelé» ?
Mon avis : Comme j’ai déjà pu le dire par ailleurs, Robert Merle est selon moi un des auteurs français majeurs de la seconde moitié du XX° siècle. Un style d’un classicisme parfait allié à une audace dans le traitement des sujets tout à fait étonnante,le tout lié à une science de la narration à tomber par terre et un humour formidable : voilà la définition d’un très grand auteur!
Au début des années 70, après avoir conquis gloire et renommée avec ses premiers romans tournant autour de la guerre (Week-end à Zuydcoote, La mort est mon métier) Robert Merle se lance dans la science-fiction.
Avec Malevil, il casse littéralement la baraque : gros tirages, critique unanime, une adaptation au cinéma très réussie dans la foulée. Quarante ans plus tard, il faut dire avouer : cet enthousiasme était parfaitement justifié !
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J’ai beaucoup aimé ce voyage littéraire à travers ces propositions de lecture. Autre auteur qui m’a beaucoup marqué est sans doute Henning Mankell.
Merci