Les frères Jules et Edmond de Goncourt
Savez-vous que le prix Goncourt fut décerné pour la première fois en 1903 ? La même année que le premier tour de France, n’est-ce pas merveilleux ?
Mais John-Antoine Nau, le premier récipiendaire avec Force ennemie, est largement retombé dans l’oubli, contrairement à Maurice Garin, cycliste dotée d’une belle moustache et de forts beaux mollets.
En près de 120 ans (le Goncourt fut décerné même pendant les deux guerres mondiales), combien de lauréats ont-ils ainsi raté le passage à la postérité ? Beaucoup, beaucoup trop… car à côté d’un Proust, d’un Malraux ou d’un Troyat, que d’auteurs mineurs !
Aujourd’hui, je vous propose, plutôt que d’acheter bêtement le Goncourt de l’année comme le font 200 à 500 000 français chaque année, d’attendre un peu, laisser reposer, et vous replonger dans le passé en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur.
20 prix Goncourt (et Goncourt des Lycéens) à lire, relire… ou éviter ! Un choix subjectif, non exhaustif, en remontant le temps…*
Un Goncourt, sinon rien !
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Des Goncourt à lire en priorité
Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon –
Jean-Paul Dubois
(Prix Goncourt 2019)
Le pitch : Paul Hansen purge sa peine dans un pénitencier canadien.
Dans la cellule qu’il partage avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre, il se raconte sa vie. L’enfance, à Toulouse, entre un père pasteur et une mère gérante d’une salle de cinema. Son métier de superintendant à la résidence L’Excelsior, où il réparait les âmes et entretenait les bâtiments. Les moments de folle liberté dans l’aéroplane de Winona, sa compagne pilote. Et le crime qui l’a conduit en prison.
Mon avis : Vous le trouvez réussi, vous, le titre du roman de Jean-Paul Dubois ? Oui ? Tiens, étrange… pour ma part je le trouve trop long, une maxime a priori un peu bébête (tiré d’un chapitre du livre), ça ne donne vraiment pas envie…
Mais ne nous arrêtons pas à ce choix bizarre, qui n’a pas empêché l’académie Goncourt de lui décerner son grand prix en 2019 ! Car, comme tous ce qu’écrit Dubois, il s’agit d’un fort bon roman, qu’il serait dommage d’éviter juste parce qu’il a eu un grand prix littéraire (forme de snobisme que je pratique, un peu en solitaire, je l’avoue !).
Jean-Paul Dubois est pour moi un compagnon de route littéraire depuis maintenant un quart de siècle (comme le temps passe, nom d’un chien !). Depuis la publication de ses chroniques américaines, du temps où il chroniquait pour l’Obs’. L’Amérique m’inquiète, joyeuses et prémonitoires analyses des U.S. à la fin du siècle dernier.
Petit pays – Gaël Faye
(Goncourt des lycéens 2016)
Le pitch : Avant, Gabriel faisait les quatre cents coups avec ses copains dans leur coin de paradis. Et puis l’harmonie familiale s’est disloquée en même temps que son « petit pays », le Burundi, ce bout d’Afrique centrale brutalement malmené par l’Histoire.
Plus tard, Gabriel fait revivre un monde à jamais perdu. Les battements de cœur et les souffles coupés, les pensées profondes et les rires déployés, le parfum de citronnelle, les termites les jours d’orage, les jacarandas en fleur… L’enfance, son infinie douceur, ses douleurs qui ne nous quittent jamais.
Mon avis : Petit pays est un petit miracle littéraire, comme il y en a un ou deux par an dans notre vie de lecteur avide de nouveautés, de découvertes, de talents.
Parti de rien, si ce n’est du flair de la maison Grasset, le court roman du jeune Gaël Faye, auteur franco-rwandais, s’est installé doucement dans le paysage français à la rentrée 2016 pour, au fil des semaines, des mois, devenir un phénomène d’édition.
Des centaines de milliers d’exemplaires vendus grâce au miracle du bouche à oreille, ce phénomène qui distingue, mieux que dans tout autre art, la renommée à une oeuvre qui sort de l’ordinaire.
Des prix qui comptent, dont celui du Goncourt des lycéens, qui est certainement celui qui se trompe le moins souvent.
Tout cela pour célébrer un véritable talent car – c’est ce qui frappe dès la lecture des premières pages de ce récit d’une enfance africaine paradoxalement heureuse, au milieu des tueries ethniques – Gaël Faye a la grâce. Ce petit je ne sais quoi qui rend la lecture d’un roman aussi fluide et agréable qu’un soir d’été avec des amis…
La vérité sur l’affaire Harry Quebert – Joël Dicker
(Goncourt des Lycéens 2012)
Le pitch : À New York, au printemps 2008, alors que l’Amérique bruisse des prémices de l’élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d’écrire le nouveau roman qu’il doit remettre à son éditeur d’ici quelques mois.
Le délai est près d’expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d’université, Harry Quebert, l’un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison.
Convaincu de l’innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l’enquête s’enfonce et il fait l’objet de menaces.
Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d’écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s’est-il passé dans le New Hampshire à l’été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ?
Mon avis : Prix Goncourt des Lycéens 2012 et Grand Prix de l’Académie française 2012. Ce double prix – a priori un grand écart entre deux publics, des plus jeunes jusqu’aux têtes chenues – est symptomatique du caractère éminemment fédérateur de ce livre qui, deux ans durant, a semé un vent de folie dans les librairies francophones.
Plus de trois millions d’exemplaires vendus à ce jour… et combien de lecteurs satisfaits ? Réponse : une immense majorité !
Ceux qui, sans relâche, participeront au succès du livre en l’achetant une fois, deux, cinq fois, pour l’offrir aux membres de leur famille (un certain Noël, c’est quatre exemplaires de ce roman que l’on retrouvera sous notre sapin !), à leurs amis, leurs compagnons de lecture, en un acte prosélyte typique du vrai lecteur, celui qui ne peut s’empêcher de partager ses émois et plaisirs littéraires avec les autres.
Ce livre fait partie de cette catégorie magique des livres qui rendent généreux, puisque vous ne pouvez pas vous empêcher de l’offrir, au même titre, par exemple, que Corps et âmes de Franck Conroy.
Le rapport de Brodeck – Philippe Claudel
(Goncourt des Lycéens 2007)
Le pitch : Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache. Moi je n’ai rien fait, et lorsque j’ai su ce qui venait de se passer, j’aurais aimé ne jamais en parler, ligoter ma mémoire, la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu’elle demeure tranquille comme une fouine dans une nasse de fer.
Mais les autres m’ont forcé : « Toi, tu sais écrire, m’ont-ils dit, tu as fait des études. » J’ai répondu que c’étaient de toutes petites études, des études même pas terminées d’ailleurs, et qui ne m’ont pas laissé un grand souvenir. Ils n’ont rien voulu savoir : « Tu sais écrire, tu sais les mots, et comment on les utilise, et comment aussi ils peuvent dire les choses […]. »
Mon avis : Philippe Claudel est un des plus grands écrivains français. Après le superbe et terriblement austère Les âmes grises, Prix Renaudot en 2003, Claudel plonge dans une atmosphère aussi noire, si ce n’est plus.
La terrible vérité de l’après-guerre, au sortir de la seconde guerre mondiale. Un petit chef d’oeuvre, porté par la prose précise de l’auteur.
Le soleil des Scorta – Laurent Gaudé
(Goncourt 2004)
Le pitch : La lignée des Scorta est née d’un viol et du péché. Maudite, méprisée, cette famille est guettée par la folie et la pauvreté. A Montepuccio, dans le sud de l’Italie, seul l’éclat de l’argent peut éclipser l’indignité d’une telle naissance.
C’est en accédant à l’aisance matérielle que les Scorta pensent éloigner d’eux l’opprobre. Mais si le jugement des hommes finit par ne plus les atteindre, le destin, lui, peut encore les rattraper.
Mon avis : Deux ans après son couronnement par le Goncourt de Lycéens pour La mort du roi Tsongor (voir ci-dessous), Laurent Gaudé décroche le gros lot avec son récit d’une famille, à la fin du XIX° siècle, dans un petit village des Pouilles, en Italie.
La prose de Laurent Gaudé – sans conteste la plus belle plume française actuelle – est toujours aussi somptueuse, et le prix pour ce roman austère est amplement mérité.
♠*
La mort du roi Tsongor – Laurent Gaudé
(Goncourt des Lycéens 2002)
Le pitch : Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d’un empire immense, s’apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate : c’est Troie assiégée, c’est Thèbes livrée à la haine.
Le monarque s’éteint , son plus jeune fils s’en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l’image de ce que fut le vénéré – et aussi le haïssable – roi Tsongor.*
Mon avis : Avec ce roman couvert de prix (Prix des libraires, Goncourt des lycéens), Laurent Gaudé émergea en 2002 aux yeux étonnés du grand public français, ébahi de découvrir un si grand auteur parmi les siens.
Car il faut le dire : Laurent Gaudé est un immense auteur, dans une France contemporaine qui en compte bien peu. Même s’il semble parfois avoir du mal à renouveler ses thèmes au fil de son oeuvre, La mort du roi Tsongor est certainement son plus beau roman.
Que retenir de ce livre qui ne ressemble à rien d’actuel ? Le style, avant tout.
Une prose absolument somptueuse, unique en France (oui, j’insiste…) qui entraîne le lecteur en quelques pages dans un univers fantasmé, composant une sorte de geste antique où l’on retrouve une bonne partie des ressorts et les thèmes de l’Iliad.
La bataille – Pascal Rambaud
(Goncourt 1997)
Le pitch : De toutes les grandes batailles napoléoniennes, celle d’Essling n’est pas la plus connue. Elle ne fut pas, pourtant, la moins meurtrière : quarante mille morts sur les rives du Danube en deux journées de mai 1809.
La Bataille ne raconte pas une histoire, elle se déploie comme un tableau qui survole tous les mouvements stratégiques des troupes, note les accidents de terrain si importants dans l’issue du combat, brosse le portrait de quelques grandes figures de l’épopée napoléonienne, Lannes, Bessières, Masséna.
Mon avis : Avec La bataille, Patrick Rambaud a raflé la mise en 1997. Le Goncourt et la reconnaissance du grand public. Mais aussi la révélation d’un fait évident, à la lecture de ce roman historique : Rambaud était fait pour écrire l’histoire, ou de l’histoire ! D’ailleurs, il ne fera plus que ça par la suite, avec un bonheur renouvelé.
Ce roman bref, mais dense (280 pages en format poche), est un récit romancé, minutieux – quasi journalistique, devrais-je dire – de la bataille d’Essling. « On s’y croirait », dit la sagesse populaire : c’est exactement ça.
C’est une reconstitution quasi documentaire, passionnante et, de surcroît (ce qui ne gâche rien), écrite dans une prose d’un grand classicisme. Pour peu qu’on s’intéresse un brin à la stratégie militaire, c’est un Tourne Page.
Jean Rouaud – Les champs d’honneur
(Goncourt 1990)
Le pitch : ls sont morts à quelques semaines d’intervalle : d’abord le père, puis la vieille tante de celui-ci, enfin le grand-père maternel.
Mais cette série funèbre semble n’avoir fait qu’un seul disparu : le narrateur, dont le vide occupe le centre du récit. C’est à la périphérie et à partir d’infimes indices (un dentier, quelques photos, une image pieuse) que se constitue peu à peu une histoire, qui finira par atteindre, par strates successives, l’horizon de l’Histoire majuscule avec sa Grande Guerre, berceau de tous les mystères.
Mon avis : Un prix Goncourt surprise, pour le premier roman d’un vendeur de journaux (expérience qu’il racontera ultérieurement dans Le kiosque)… et un vrai petit chef d’oeuvre.
A sa sortie, la critique unanime et les lecteurs – dont je faisais partie ! – ont été saisi par la qualité absolument remarquable du style de l’auteur et, porté par le bouche à oreille, il s’en est vendu plus de 500 000 exemplaires !
C’est un roman avec une forte inspiration autobiographique.
Les Champs d’honneur constitue le premier volet d’un cycle retraçant l’histoire de la famille de l’auteur, qui se poursuit par Des hommes illustres (sur la figure du père), Le Monde à peu près (sur le deuil du père) et Pour vos cadeaux (portrait de la mère), et qui se clôt avec Sur la scène comme au ciel (la cérémonie des adieux), l’ensemble composant une sorte de livre des origines.
Yann Queffelec – Les noces barbares
(Goncourt 1985)
Le pitch : Fruit d’une alliance barbare et d’un grand amour déçu, Ludovic, enfant haï par sa trop jeune mère – Nicole – et ses grands-parents, vit ses premières années caché dans un grenier. La situation ne s’arrange guère après le mariage de Nicole avec Micho, brave et riche mécanicien qui cherche à protéger Ludovic. Hantée par ses amours brisées, sombrant dans l’alcoolisme et méprisant son mari, la jeune femme fait enfermer son fils dans une institution pour débiles légers.
Mais Ludovic n’est pas l’arriéré qu’on veut faire de lui. Il ne cesse de rêver à sa mère qu’il adore et qu’il redoute. Même une première expérience amoureuse ne parvient pas à l’en détourner. Son seul but, son unique lumière : la retrouver.
Mon avis : C’est avec ce roman que Yann Queffelec fut révélé au grand public. Trente ans plus tard, il est toujours là, avec une oeuvre dense et exigeante.
Attention : les noces barbares, l’histoire d’un enfant qui vit une enfance dramatique,est une oeuvre dure, tragique, mais magnifique.
Un petit bijou d’écriture. A lire absolument !
Emile Ajar/Romain Gary – La vie devant soi
(Goncourt 1975)
Le pitch : Histoire d’amour d’un petit garçon arabe pour une très vieille femme juive : Momo se débat contre les six étages que Madame Rosa ne veut plus monter et contre la vie parce que » ça ne pardonne pas » et parce qu’il n’est » pas nécessaire d’avoir des raisons pour avoir peur « . Le petit garçon l’aidera à se cacher dans son » trou juif « , elle n’ira pas mourir à l’hôpital et pourra ainsi bénéficier du droit sacré » des peuples à disposer d’eux-mêmes » qui n’est pas respecté par l’Ordre des médecins.
Il lui tiendra compagnie jusqu’à ce qu’elle meure et même au-delà de la mort.
Mon avis : Eh oui, Romain Gary a dupé le jury Goncourt en présentant son roman sous un pseudonyme !
Cela lui permettra d’être couronné une deuxième fois dans sa carrière, contre le règlement, après Les racines du ciel en 1956.
Ce récit minimaliste et chaleureux d’une vieille dame, ancienne prostituée, et de Momo, son petit protégé, est une petite merveille, par un des plus grands auteurs français de l’après-guerre.
Robert Merle – Week-end à Zuydcoote
(Goncourt 1949)
Le pitch : » … Enfin, ce qu’on peut dire pour les Anglais, c’est qu’eux au moins, ils embarquent leurs hommes, tandis que du côté français !… En principe, ça se passe à Dunkerque et à Malo, mais jusqu’ici au compte-gouttes et seulement par unités constituées. Il a jouta au bout d’un moment : Ce qui nous exclut, bien entendu.
Il ne se passa rien de notable dans la minute qui suivit. Alexandre avait ses deux grosses mains croisées sur les genoux. Il était penché en avant et il attendait que Maillat eût fini de boire pour prendre son quart et se servir à son tour. Dhéry décroisa ses jambes et les recroisa et cela prit un certain temps, parce que ses cuisses étaient très grosses et qu’elles glissaient difficilement l’une sur l’autre. On ne voyait pas ses yeux derrière ses lunettes. Pierson avait posé son quart à côté de lui à terre. »
La vie d’un groupe de soldats français pris au piège dans la poche de Dunkerque, durant deux jours, après la défaite franco-britannique.
Mon avis : Une récompense méritée pour le premier roman du grand auteur français.
Avec ce récit quasi documentaire (mais un vrai roman) sur la débâcle de la poche de Dunkerque, il est déjà en pleine possession de son talent, mais aussi de sa technique, avec cette capacité, assez unique, d’ancrer ces personnages dans la complexité de leur humanité en quelques pages.
Il y a énormément de dialogues, on croit voir déjà le film, adaptation faite par Henri Verneuil 15 ans plus tard. Alors, bien sûr, ce n’est pas une histoire drôle, vous vous en doutez, mais Robert Merle, comme il le fera toujours par la suite, ne tombe jamais dans les facilités du spectaculaire.
Trois ans plus tard, en 1952, Merle récidivera dans une évocation de la guerre, dans un roman encore plus fort, La mort est mon métier.*
Des Goncourt intéressants… pour se faire une opinion*
Les impatientes – Djaïli Amadou Amal
(Prix Goncourt des lycéens 2020)
Le pitch : Trois femmes, trois histoires, trois destins liés. Ce roman polyphonique retrace le destin de la jeune Ramla, arrachée à son amour pour être mariée à l’époux de Safira, tandis que Hindou, sa sœur, est contrainte d’épouser son cousin. Patience ! C’est le seul et unique conseil qui leur est donné par leur entourage, puisqu’il est impensable d’aller contre la volonté d’Allah. Comme le dit le proverbe peul : « Au bout de la patience, il y a le ciel. » Mais le ciel peut devenir un enfer. Comment ces trois femmes impatientes parviendront-elles à se libérer ?
Mariage forcé, viol conjugal, consensus et polygamie : ce roman de Djaïli Amadou Amal brise les tabous en dénonçant la condition féminine au Sahel et nous livre un roman bouleversant sur la question universelle des violences faites aux femmes.
Mon avis : Prix Goncourt des lycéens 2020, ce roman d’une camerounaise francophone a rencontré un grand succès d’estime, porté par l’actualité des thèmes traités.
Les impatientes évoquent à peu près tous les sujets sociétaux qui, jour après jour, squattent la une de nos quotidiens : la condition de la femme dans l’islam, la polygamie, le viol, la violence dans le couple, les droits des femmes.
Rien que tous ces sujets cumulés ? Oui madame ! Car, dans ce tout petit récit de 240 pages extrêmement aéré (mise en page et typographie « à la Amélie Nothomb », si vous voyez ce que je veux dire), Djaïli Amadou Amal dresse un portrait absolument terrifiant de la condition féminine au Sahel,.
Chanson douce – Leïla Slimani
(Goncourt 2016)
Le pitch : Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou.
Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame.
A travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c’est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l’amour et de l’éducation, des rapports de domination et d’argent, des préjugés de classe ou de culture.
Mon avis : Prix Goncourt 2016 et, largement plus de 500 000 exemplaires vendus.
Je vais tenter d’être bref, car une fois de plus, je suis assez furieux contre les jurés Goncourt. N’y a-t-il donc qu’un roman comme Chanson douce pour représenter, aujourd’hui, l’excellence de la littérature française ? Est-ce bien sérieux ? Le rôle des prix majeurs n’est-il pas de repérer, parme la masse effrayante de romans qui sont publiés chaque année, ceux qui sont différents, excellents, novateurs, tristes ou drôles, capables de choquer, de faire vibrer, rire, étonner les lecteurs qui font confiance aux jurys pour défricher et montrer les œuvres qui vont donner envie aux gens de lire ?
Ce travail de prosélytisme, en leur âme et conscience, les jurés Goncourt ont-ils l’impression de l’accomplir ? Parce que si c’est le cas, ils se trompent gravement !
Chanson douce n’est pas un mauvais roman, dans le sens où il n’est pas détestable, haïssable. Mais il n’en est pas bon pour autant car il ne possède ni le fond, ni la forme qui justifieraient cette distinction.
Pierre Lemaître – Au revoir, là-haut
(Goncourt 2013)
Le pitch : » Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après » Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale.
Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts…
Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.
Mon avis : J’ai suffisamment râlé ces dernières années sur une série de prix Goncourt de médiocre qualité, oubliant les principes élémentaires du roman pour faire la part belle à la littérature de nombril, là où l’auteur trempe sa plume pour écrire des odes à sa propre gloire, pour ne pas saluer la décision prise par le jury présidé par Bernard Pivot : enfin un Goncourt couronnant un roman, un vrai, et un roman populaire !
A cette occasion, Pierre Lemaître sort du petit ghetto que représente toujours la littérature policière pour certains esprits germanopratins, et s’évade vers la Littérature avec un grand L.
Son grand mérite, disons-le tout net, est son ambition. Brasser l’air malsain de la première guerre mondiale, ce n’est pas facile et… pas forcement vendeur
Michel Houellebecq – La carte et le territoire
(Goncourt 2010)
Le pitch : Si Jed Martin, le personnage principal de ce roman, devait vous en raconter l’histoire, il évoquerait certainement Olga, une très jolie Russe rencontrée au début de sa carrière, lors d’une première exposition de son travail photographique à partir de cartes routières Michelin.
C’était avant que le succès mondial n’arrive avec la série des « métiers », ces portraits de personnalités de tous milieux (dont l’écrivain Michel Houellebecq), saisis dans l’exercice de leur profession.
L’art, l’argent, l’amour, le rapport au père, la mort, le travail, la France devenue un paradis touristique sont quelques-uns des thèmes de ce roman, résolument classique et ouvertement moderne.
Mon avis : Comme souvent, le jury Goncourt ne couronne pas un grand auteur français pour son meilleur roman.
Mais, comme toujours chez Houellebecq, énormément de « matière » et des passages formidables.
Houellebecq vous mène toujours jusqu’au bout de ses livres par le bout du nez.
Des Goncourt à vos risques et périls !
L’anomalie – Hervé Le Tellier
(Prix Goncourt 2020)
Le pitch : « Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l’intelligence, et même le génie, c’est l’incompréhension. »
En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d’hommes et de femmes, tous passagers d’un vol Paris-New York. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages ; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge ; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles ; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte.
Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n’imaginait à quel point c’était vrai.
Mon avis : Dans quelques années, que restera-t-il de l’année 2020 ? Avant tout, on pensera au Covid, bien entendu.
Et sur le plan littéraire ? Difficile à dire, mais je vous fiche mon billet que personne ne gardera le moindre souvenir du roman d’Hervé Le Tellier. Ou alors, pour le placer dans la liste des titres à qui des jurés Goncourt un peu égarés auront, au fil des décennies, décerné un prix totalement injustifié !
Il n’empêche que je suis troublé. Je sais que tous les goûts sont dans la nature, mais comment un tel roman a-t-il pu recevoir un tel accueil ? Plus d’un million d’exemplaires écoulés !
Même en cherchant bien, je n’ai rien trouvé pour racheter cet exercice d’écriture ni fait ni à faire.
Gilles Leroy – Alabama song
(Goncourt 2007)
Le pitch : Quand Zelda, » Belle du Sud « , rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald, sa vie prend un tournant décisif. Lui s’est juré de devenir écrivain : le succès retentissant de son premier roman lui donne raison.
Le couple devient la coqueluche du Tout New York. Mais Scott et Zelda ne sont encore que des enfants : propulsés dans le feu de la vie mondaine, ils ne tardent pas à se brûler les ailes…
Mon avis : L’autobiographie apocryphe de Zelda, la femme de Scott Fitzgerald devenue folle.
Le style de Gilles Leroy, sans beaucoup d’aspérité, ne parvient pas à magnifier le personnage, pas forcément très sympathique.
Le sujet était a priori tentant, le résultat ne m’a paru complètement convaincant.
Syngué Sabour, pierre de patience – Atiq Rahimi
(Goncourt 2008)
Le pitch : « Cette pierre que tu poses devant toi… devant laquelle tu te lamentes sur tous tes malheurs, toutes tes misères… à qui tu confies tout ce que tu as sur le coeur et que tu n’oses pas révéler aux autres… Tu lui parles, tu lui parles. Et la pierre t’écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate. Elle tombe en miettes. Et ce jour-là, tu es délivré de toutes tes souffrances, de toutes tes peines… Comment appelle-t-on cette pierre ? »
En Afghanistan peut-être ou ailleurs, une femme veille son mari blessé. Au fond, ils ne se connaissent pas. Les heures et les jours passent tandis que la guerre approche.
Et la langue de la femme se délie, tisse le récit d’une vie d’humiliations, dans l’espoir d’une possible rédemption.
Mon avis : Au Moyen-Orient, une femme veille son mari blessé. Un récit bref, rédigé dans un style minimaliste, une langue sèche et dépouillée.
C’est un choix volontaire, qui semble cohérent, mais aussi extrêmement plat, dépourvu d’affect…
Je suis passé complètement à côté du texte. Certains y ont été sensible. A vous de voir, si cela vous tente.
Le sermon sur la chute de Rome – Jérôme Ferrari
(Goncourt 2012)
Le pitch : Dans un village corse perché loin de la côte, le bar local est en train de connaître une mutation profonde sous l’impulsion de ses nouveaux gérants. À la surprise générale, ces deux enfants du pays ont tourné le dos à de prometteuses études de philosophie sur le continent pour, fidèles aux enseignements de Leibnitz, transformer un modeste débit de boissons en meilleur des mondes possibles.
Mais c’est bientôt l’enfer en personne qui s’invite au comptoir, réactivant des blessures très anciennes ou conviant à d’irréversibles profanations des êtres assujettis à des rêves indigents de bonheur, et victimes, à leur insu, de la tragique propension de l’âme humaine à se corrompre.
Mon avis : Le roman de Jérôme Ferrari est l’exemple même de tout ce que je ne supporte plus dans la littérature française contemporaine.
Le style est insupportable, on a l’impression de lire le résultat d’un délire sous ecstasy d’un mauvais imitateur de Marcel Proust ! Des phrases interminables mais sans justification, une ponctuation déficiente, des chapitres entiers sans le moindre retour à la ligne et pourquoi ?
Rien ne justifie ce délire formel qui n’a même pas le mérite d’être réussi ! Quant au fond… c’est prétentieux, faussement profond, l’histoire n’a aucun intérêt et le rapport avec le titre : ah ! ah !
Les prix sont faits pour couronner une oeuvre, mais aussi attirer à la lecture de nouveaux lecteurs. Avec ce genre de titre, l’effet risque d’être complètement l’inverse.
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Le coin cadeau ** Les livres du jour**L’actualité des sorties**
Les meilleures ventes** La vie d’un lecteur*
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